NOEL AU RESTO. (Suite et fin).
23h59
La salle, à l’unisson – sept… six… cinq… quatre… trois… deux… un… Joyeux Noel !
Tony, exténué et mélancolique – Punaise, que j’en ai marre !
Madame Sinsou – Joyeux Noël, Tony!
Tony - Joyeux Noël, madame Sinsou !
Séverine - Joyeux Noël Tony !
Tony - Joyeux Noël Séverine !
Annie, sortant de la cuisine en précédant de peu le chef - Joyeux Noël madame Sinsou !
Madame Sinsou – Vous pouvez m’appeler Jeanette, Annie !
Annie, ravie – Alors joyeux Noël Jeanette !
Madame Sinsou - Joyeux Noël Annie !
Annie, à Séverine et Tony – Joyeux Noël, les jeunes !
Tony, excédé - Joyeux Noël Annie !
Séverine, la bise et la bonne humeur en plus - Joyeux Noël Annie !
Le chef, à son épouse - Joyeux Noël chérie ! On a fait combien de clients pour l’instant ?
Madame Sinsou - Joyeux Noël Michel! Là, on a dépassé les 125 couverts ! Et je crois que ça va continuer…
Séverine - Joyeux Noël Chef !
Le chef – Bon, allez ! Il faut s’y remettre, là !
*
00h10
Madame Sinsou arriva avec une bouteille de champagne pendant que le
chef expliquait à Tony comment nettoyer le lave vaisselle entre deux plonges.
Tony – Mais là, ça fait un moment que personne n’est rentré dans le restaurant.
Le chef – On sait jamais : tu te tiens prêts à foncer au cas où des clients arriveraient sur le tard !
Madame Sinsou – Annie, Séverine, venez ici un instant !
Annie et Séverine, en chœur – Oui…
Madame Sinsou – Michel : ça te concerne aussi !
Le chef – Il faut que je retourne en cuisine ! J’ai du travail, moi !
Madame Sinsou, vexée – Oh mais c’est bon ! Tu peux bien prendre cinq minutes, non ? Louis et ses amis nous offrent le champagne !
Le chef – Ah bon ! Si c’est pour le champagne, alors j’ai le temps !
Annie, un peu de lèche en prime – Vous êtes gourmand, vous, chef !
Madame Sinsou – Allez, Michel ! Donne-moi ton verre ! – Après l’avoir servi – A vous Annie…
Annie – Stop, stop ! Oh là, vous m’en avez trop donné ! Je vais être pompette, moi !
Tony, amusé – Tu as peur d’être pompette avec la moitié d’un verre ?
Annie, piquée – Excuse-moi mais je n’ai pas l’habitude de boire, moi ! Peut être que toi, tu tiens mieux l’alcool !
Madame Sinsou – A vous Séverine…
Monsieur Sinsou, au moment où sa femme s’apprête à servir Tony – Mais tu veux pas finir la bouteille de mousseux et garder ce qu’il reste de champagne ?
Madame Sinsou – Hein ?
Monsieur Sinsou, à Tony – Hein ? Tu t’en fiches, toi, d’avoir du mousseux ou du champagne ?
Tony, mal à l’aise – Euh… c’est juste pour trinquer avec vous…
Madame Sinsou, dans un sursaut d’amour propre – Non mais tu vas où, là, Michel ? Tous le monde a du champagne parce que Louis a payé la bouteille ! Il n’y a pas de raison que Tony ai juste du mousseux, non mais !
Monsieur Sinsou – Ah mais moi je disais ça comme ça ! Fais comme tu veux !
*
00h25
Madame Sinsou – Tony, vous me ferez les cafés pour la sept !
Tony – D’accord…
Bling-bling !
Séverine, enthousiaste – Ah ! Je crois que les affaires reprennent !
Tony, paniqué – Quoi ? Qui peut bien venir manger à minuit et demie ?
Séverine – On voit bien que tu n’as pas l’habitude de la restauration !
Tony ressentait une colère sans commune mesure : il en avait marre
de ces gens pour lesquels les fêtes de Noël rimaient avec la nécessité
de faire marcher des commerces aux dépends de ceux qui y travaillent et qui
préféreraient rester avec les leurs !
Madame Sinsou – Tony : préparez-moi six sangrias et deux bières avec des olives comme amuse-gueules !
*
00h40
Madame Sinsou ramena un plateau couvert de tasses de café. En mettant
une tasse dans le lave vaisselle, Tony s’aperçu qu’un bout de papier était
caché entre la tasse et la coupelle, morceau de papier sur lequel figurait un
numéro de portable. Tony se demanda un instant ce que ça pouvait vouloir dire
quand Séverine l’éclaira :
Séverine – C’est un des types qui est avec les amis de madame Sinsou !
Tony – C’est-à-dire ?
Séverine – Le petit frisé qui te regardait avec insistance quand madame Sinsou leur faisait visiter le resto !
Madame Sinsou, surgissant de nulle part – Qu’est-ce qu’il a, le « petit frisé » ?
Séverine – Il a laissé son numéro de téléphone à Tony !
Madame Sinsou, à Tony – Ah ! Mais j’avais vu que vous lui plaisiez !
Tony, en jetant le numéro de téléphone – Ah bon…
Madame Sinsou – Mais… vous jetez le numéro qu’il vous a donné ?
Tony, étonné – Oui pourquoi ?
Madame Sinsou –Vous savez, c’est peut être un homosexuel mais il est très gentil !
Tony – Ah mais moi, ça m’est égal qu’il soit homo mais j’ai une fiancée et…
Madame Sinsou – Et puis je vais vous dire : ils en ont, de l’argent !
Tony – Oui mais bon…
Séverine, à Tony – T’as quelque chose contre les homos ?
Tony – Pas du tout ! Mais moi, je ne le suis pas !
Madame Sinsou – Vous savez Tony, ce sont des gens comme les autres !
Tony, gêné – Je ne dis pas le contraire… je dis juste…
Thomas – Bon, Tony, je viens vous dire au revoir : je vais me coucher !
Tony, content de couper cour à la conversation – D’accord… j’espère que le repas vous a plu…
*
01h25
Quelques clients entrèrent encore à cette heure avancée de la nuit. Le
temps qu’ils se repaissent, Tony commença le nettoyage final aux alentours de
deux heures et demie du matin. Le chef s’en alla comme à son habitude, en
plantant tout le monde. Annie s’attela au nettoyage de la cuisine. Madame
Sinsou encaissa la note de repas de Thomas en faisant cadeau du café. Séverine
était aux anges. Tony s’arrêta un instant pour boire un verre d’eau quand
madame Sinsou lui proposa de finir un coca qu’un client « avait à peine
touché ». Ce qu’il ne fit pas au prétexte qu’il n’aimait pas le coca.
*
02h35
Tony se couvrit de son manteau : le froid qui s’abattait sur la
ville était redoutable. Séverine prit son sac à main. Tous deux attendaient
Annie pour quitter le resto. Quand elle arriva, ils sortirent tous les trois en
saluant pour la énième fois madame Sinsou. Là, Séverine parti vers la droite et
Annie vers la gauche. Tony, au milieu allait partir dans le bon sens quand il
réalisa que Séverine l’attendait.
Séverine – On rentre ensemble ?
Annie, à Tony – Tu prends pas le même chemin que moi, Tony ?
Tony – Euh…
Séverine – Je rentre pas chez moi ce soir, c’est trop loin ! Je vais dormir chez une amie… Si tu veux venir prendre un verre…
Tony – Mais je ne la connais pas , moi , ton amie!
Séverine – C’est pas grave, elle m’a laissé les clés de son appartement parce qu’elle est en vacances à la montagne…
Tony – Euh… non mais je vais partir de l’autre côté parce que c’est moins long pour rentrer chez moi !
Séverine, visiblement déçue – Tu veux pas venir prendre un verre ? On sera que tous les deux puisque Thomas est rentré dans notre appart !
Tony – Non, c’est gentil mais je suis fatigué… j’ai besoin de dormir…
Séverine, le visage fermé – Ok, comme tu veux ! Bonne soirée !
Tony, s’en allant dans la même direction qu’Annie – D’accord, bonne soirée Séverine !
*
En cours de route, Annie tendit à son tour un piège à ce pauvre
Tony : elle lui expliqua que maintenant que le père de sa fille l’avait
quittée, elle n’avait plus personne pour l’aider à réaliser les travaux
difficiles dans son grand appartement. Tony, pour une fois, sentit venir le
vent. Il essaya de lui faire comprendre, l’air de rien, qu’il était exténué au
point de pouvoir dormir dehors, à même le givre qui recouvrait la route. Mais
Annie ne se laissait pas embobiner aussi facilement : elle lui demanda de
venir voir la baignoire dont elle devait se débarrasser et ce afin de lui dire
s’il était capable de la descendre avec elle. Tony répondit que la meilleure
des volontés ne suffirait pas et qu’il faudrait au moins deux hommes pour
descendre une baignoire sur trois étages. Mais rien n’y fit : Tony finit
par aller chez Annie pour s’apercevoir qu’il avait raison. Il fallait bien non
pas deux hommes mais deux hommes baraqués pour descendre une baignoire qui
devait peser cent kilos ! L’avis donné n’intéressait plus tellement Annie
qui était lovée dans son joli canapé bleu à fleurs rouges. Elle proposa à Tony
du café, puis un petit remontant : du whisky puis de la bière. Quand elle
vit qu’il ne cédait en rien, répétant à chaque fois qu’il était fatigué, barbouillé
et qu’il avait les pieds en compote, elle se résolu à le laisser partir. A
04h15, Tony entra enfin chez lui.
Il pensa, en buvant un coca bien
frais avant d’aller dormir qu’il devrait rappeler les CPE qui lui avait laissé
un message sur son répondeur : dommage qu’il ne s’en soit pas aperçu avant
les vacances scolaires. Mais il se dit que si le CPE, un certain monsieur
Dufour, avait laissé un message la veille des vacances, il pourrait le rappeler
le jour de la rentrée. Tony se dit que travailler dans un collège ne pouvait de
toute façon pas être pire que de travailler comme plongeur dans un resto. Et
puis, il ne pouvait plus se contenter d’un mi-temps. Il semblait que le CPE lui
proposait un CDD à 35 heures…