1. Le début de la fin. Acte III.
1. Le début de la fin.
Acte III : Le verre de l’amitié.
Ed, verre vide à la main – Putain ! Les coups sont bons mais sont rares !
Charlène, du personnel de cuisine, l'air coquin – Je te ressers, mais tu ne fais pas de bêtises, hein ?
Ed, sous le regard craintif de Tony – Rien de sexuel, t'inquiète !
Tony, une fois Charlène partie – T'es fou de parler comme tu le fais ! Tu vas finir par avoir des problèmes…
Ed – Oh, c'est bon ! J'ai rien dit de mal !
Tony – Rien dit de mal ? Tu plaisantes ou quoi ?! Vu le nombre de fois où tu as traité madame Montagné de pute…
Ed – Et alors ? C'est vrai, non ?
Tony, dépité – Mais peu importe ! Là question n'est pas là !
Monsieur Dufour, petits fours à la main – De quelle question parlez-vous ?
Tony, gêné – Euh… Ed n'apprécie pas trop madame Montagné…
Ed – C'est pas que je l'apprécie pas ! Je trouve juste qu'elle se comporte comme une connasse, c'est tout !
Monsieur Dufour – Le pire, Ed, c'est que je ne suis même pas sûr qu'elle s'en rende compte !
Ed, sirotant son cocktail – Non mais c'est hallucinant ! Elle n'est pas foutue d'avoir un propos qui tienne debout ! Et je parle de la Montagné, mais le Manin, c'est pas franchement mieux !
Monsieur Dufour, la mine déconfite – Et là, vous ne voyez qu'une infime partie de leur talent ! Imaginez les âneries qu'ils peuvent aligner lors d'un conseil de classe, par exemple !
Anna, verre à la main – Bon, vous avez un peu polémiqué, monsieur Dufour ?
Monsieur Dufour – Polémiqué ? Je leur laisse ça ! Moi je pense aux élèves et accessoirement, à notre service ! Parce que si on les écoute, demain, on attache les élèves aux arbres avec un bâillon pour pas qu'ils fassent de bruit et nous, on nous demande de les fouetter à la moindre gesticulation ! Où avez-vous trouvé votre verre ?
Anna, étonné de ce saut du coq à l'âne – Hein ?
Monsieur Dufour – Votre verre ?
Ed – Allez voir Charlène… elle se fera un plaisir de vous resservir !
Monsieur Dufour – Vous les connaissez toutes par leur petit nom ?
Ed, amusé – On y travaille, on y travaille !
Johanna, canapé tout mâché entre les dents – Non mais il m'énerve, Dufour !
Ed – Pourquoi ?
Johanna – Il faut toujours qu'il se mette en avant !
Ed – Il avait plutôt raison, non ?
Johanna – Mais c'est pas le problème ! Il fait son malin, c'est un beau parleur…
Ed – Bah !... Moi je l'aime bien !... Même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui !
Johanna, excessive – Tu rigoles ou quoi ?
Ed – Non ! Mais note qu'il a su nous défendre et heureusement qu'il était là !
Johanna – Mouais, c'est facile !
Tony, très surpris – Eh ! C'est pas Maria, là-bas ?
Anna – Quoi ?
Ed – Si !... Mais qu'est-ce qu'elle fout ici ?
Johanna, déçue – Elle n'a pas trouvé de job cet été la pauvre…
Maria, le visage fermé – Bonjour tout le monde !
Ed, hésitant – Salut Maria !
Maria, furieuse – Et j'ai pas de comptes à rendre, OK ? S'il y en a un qui n'est pas content, je l'emmerde !
Tony – Mais non, Maria…
Maria – J'vous emmerde tous ! C'est clair ?
Ed, pour lui-même – Bon ! Je vois qu'elle n'a pas pris une ride ! – A Anna - T'as pas une cloppe à me lâcher ? Je t'en ramène demain…
Anna, un regard pour Maria, en coin – Si… Tiens !
Le gars de l'accueil – Salut les garçons ! Alors, toujours pas trouvé de vrai boulot ?
Tony, désespéré – Non… mais ce n'est pas faute de chercher !
Maria, revenant vers le petit groupe – Ils sont dégueu ces petits fours !
Le gars de l'accueil, à Tony – Mais passe des concours au lieu de te plaindre ! A l'âge que tu as, tu vas finir par ne rien trouver ! Le temps passe, Tony !
Tony, peiné mais agacé – Je sais ça ! Je le sais !
Le gars de l'accueil – Eh bien alors, agit ! Tu ne vas pas passer ta vie à trimer pour 1000 euros par mois ?
Ed – Quitte à ne rien gagner, autant ne rien foutre, tu crois pas ?
Le gars de l'accueil – Marre-toi ! Tu vas faire quoi quand ton CDD sera arrivé à son terme ?
Ed, énervé – Mais tu crois quoi ? Je n'aurai pas grand mal à trouver un boulot aussi con au même tarif !
Maria, la bouche pleine – Punaise, mais ils sont dégueu ces canapés !
Anna, prévenante – Mais n'en mange pas…
Maria – Je fais ce que je veux, ok ? J'ai pas d'ordre à recevoir de toi !
Monsieur Manin, à Ed – Excusez moi mais je vous ai entendu bien malgré moi…
Ed, arrogant – Et ?...
Monsieur Manin – Eh bien je trouve bizarre votre désinvolture !
Ed – Je ne suis pas désinvolte ! Seulement je n'essaie plus de me livrer à ce jeu de dupes qui consiste à adouber les excès du système en y participant et surtout en faisant comme si ce n'était là que mon unique but !
Monsieur Manin – Comment cela ?
Ed – J'emmerde ce système qui a mis à des postes importants des personnes qui empêchent la génération suivante d'y accéder par le seul moyen des qualifications toujours plus importantes !
Monsieur Manin – Excusez-moi mais ça n'a aucun sens !
Ed – Ah bon ? Ma tante, à son époque, a enseigné avec un bac+2. Moi, avec un bac+5, on me demande encore de passer un concours pour lequel, manifestement, il n'y a quasiment pas de place ! Alors ne venez pas me dire que ce que je raconte n'a aucun sens !
Maria, observant monsieur Dufour approcher – Oh non ! L'autre con arrive ! Je me casse !...
Johanna – Je te suis ! Je peux plus le voir, lui…
Le gars de l'accueil, à Ed – Ce n'est pas en jouant les cyniques que tu paieras ton loyer !
Monsieur Dufour – Qui est-ce qui est cynique ?
Monsieur Manin – Non, on disait qu'on n'a rien sans rien dans la vie et que si Edouard veut s'en sortir, il faut qu'il fasse des efforts !...
Monsieur Dufour – Boulou ! Ca fait drôle de voir un prof hors de sa corporation !
Monsieur Manin – Ce qui veut dire ?
Monsieur Dufour – Ben regarde autour de toi ! Tu vois beaucoup de profs discuter avec d'autres personnes que des profs ?
Monsieur Manin - … euh… c'est comme ça, que veux-tu ?
Ed – Ca pue !
Monsieur Manin – Pardon ?
Ed – Purée ! Ca pue ! Je me casse !
Monsieur Manin – Effectivement, ça ne sent pas très bon !
Monsieur Dufour, tournant les talons – On peut dire que tu as le sens de l'euphémisme !
Ed, à Tony – Regarde Manin ! Il reste seul dans la merde !
Tony, traversé d'un doute – Ce n'était pas toi, quand même ?
Ed – Si !... A force de me faire chier…
Tony, atterré – C'est pas possible…
Ed – Et puis j'ai la cagade depuis hier soir !
Tony – La cagade ?...
Ed – La chiasse, quoi !
Tony, étonné – Décidément…
Ed – Ouais ! Quand je vois la plupart de tous ces cons, je me dis qu'il doit y avoir une relation de cause à effet !
Monsieur Vandeputte, toujours au micro – Une, deux… une, deux… Bon, vous m'entendez ?
Madame Bretelle, énervée de constater le manque d'enthousiasme des personnels pour l'allocution du principal adjoint – Ils se comportent comme des enfants, ma parole !
Madame Montagné – Tout à fait ! Mais il paraît que c'est à force de les côtoyer qu'ils finissent par régresser !
Ed, observant madame Montagné, à Tony – Je crois que l'année s'annonce bien !
Monsieur Vandeputte – Bon ! Maintenant que j'ai votre attention, je voudrais vous donner le planning de l'après-midi ! Dès quatorze heures, j'encourage les personnels de vie scolaire à me rejoindre dans mon bureau pour l'attribution des tâches ! Nous allons préparer les salles de classe…
Madame Montagné, d'un ton à la fois angoissé et indigné – Mais pas les professeurs, tout de même ?
Monsieur Vandeputte – Non, ne vous inquiétez pas ! Vous, vous avez votre après midi !
Madame Montagné, ravie – Ouf ! J'ai eu peur ! J'ai cru un instant que nous allions devoir faire de la paperasse !
Ed – Mouais… ça pourrait faire vulgaire !