2. La rentrée des crasses. Acte II.
2. La rentrée des crasses.
Acte II : Le parcours du con battant.
Tony surveillait la cantine. La tâche était ingrate à plusieurs titres : il fallait se résigner à sentir le graillon pour le reste de la journée ; il y faisait chaud, on s'y ennuyait, et comme la plupart des gosses était incapable de manger proprement, on finissait généralement par mettre le pied sur de la sauce, du beurre, quand ce n'était pas une séance de patinage sur un radis écrasé ! De nombreux parents avaient accompagné leurs enfants de sixième et regardaient parfois avec curiosité le surveillant tourner.
Une femme, plutôt jolie – Ce n'est pas fastidieux de surveiller des enfants en train de manger ?
Tony, qui pour une fois aurait pu dire la vérité – Euh… non, on s'y fait…
La femme – Il n'empêche que vous ne faites pas un travail si facile !
Tony, étonné de tant de charme dans tant de sympathie – Il y a de ça !
Ed, arrivant pour relever Tony – Désolé du retard, mais j'ai du régler un problème avec la nouvelle… Tu peux aller dans la cour !
Tony – Pas de souci ! Tu parles d'un problème… avec quelle nouvelle ?
Ed – Dahlia ! Putain, elle a un nom de fleur mais je peux te dire qu'elle tient plutôt du trou du cul !
Tony – Chut ! Il y a des parents ! - Intrigué - Qu'est-ce qu'elle a fait ?
Ed – Elle s'est pris la gueule avec une gamine de sa classe… j'ai pas bien compris où était le problème mais elle allait lui foutre une tannée quand je suis intervenu ! Je peux te dire que la Dahlia, eh bien ! Elle ne va pas être triste !
Tony, pressé par une envie inassouvie depuis plus d'une heure – Bon, j'y vais !
Ed – Attends ! C'est qui la jolie brunette, assise avec la petite ?
Tony, las d'être pressé – C'est une mère d'élève… plutôt sympathique !
Ed – Moi qui trouvais que c'était une connerie que de faire grailler les parents avec leurs chiards ! Tout compte fait… je crois que je vais suivre de très près cette gamine : on ne sait jamais, j'aurais peut être la primauté des rendez-vous avec la tutrice légale !
Tony, exaspéré – Bon, je vois que tu es parti dans tes délires ! Je vais surveiller la cour !
Ed – Ok !... Fais gaffe à l'autre monstre !
Tony – Qui ça ?
Ed – Ben Dahlia !
Tony - Ah !...
Madame Sauzéon, alpaguant Tony au sortir du réfectoire – Vous faites quoi, à cette heure ?
Tony, n'osant pas dire qu'il serait bien allé aux toilettes avant de se mettre en poste – Je dois surveiller la cour !
Madame Sauzéon – Bien ! Est-ce que vous pouvez finir la visite avec ce groupe de sixièmes et l'envoyer manger ?
Tony – Euh… oui… Que dois-je leur montrer ?
Madame Sauzéon – Les casiers à cartables et surtout expliquez leur le principe de la carte de cantine et envoyez-les manger.
Tony – D'accord, je m'en occupe…
Madame Sauzéon – Merci… je vais faire pipi et je pars manger !
Tony, qui serait bien allé se vider la vessie lui aussi – Bon, vous êtes de quelle sixième ?
Un tout petit – La sixième du collège…
Tony – Euh… oui, mais quelle est la lettre de votre sixième ?
Le tout petit – S…
Tony, étonné – S ?
Le tout petit – Ben oui, sixième, ça s'écrit avec un s…
Une gamine rousse – Moi, c'est Chloé et nous sommes en sixième C et nous avons madame Montagné pour professeur principal !
Tony, surpris - D'accord… euh… avez-vous vos cadenas ?
Chloé – Madame Montagné nous a expliqué que nous allions mettre nos sacs dans les casiers que nous allons fermer à clé !
Tony - …c'est ça ! Alors : tout le monde a-t-il un cadenas ?
La plupart des élèves - …oui…
Tony – Bon, je vois que certains parmi vous n'en ont pas encore… alors écoutez bien : évitez d'acheter des cadenas trop petits parce qu'ils ne permettent pas de fermer les casiers !
Thomas, un sixième – Mais pourquoi ?
Tony – Pourquoi quoi ?
Thomas – Pourquoi on peut pas fermer les casiers avec les petits cadenas ?
Tony – Parce que la poignée que le cadenas est censé bloquer tourne malgré ce dernier, ce qui fait que même cadenassé, le casier s'ouvre !
Thomas – Et pourquoi ?
Tony – Pourquoi quoi ?
Chloé, devant le silence de Thomas – Tony, un cadenas comme ça, ça va ou ça va pas ?
Tony – Alors, pour ce qui est de la taille, ça va : toutefois, tu as un cadenas à code, ce qui n'est pas conseillé…
Chloé – Et pourquoi ?
Tony, pressé par son envie – Parce que vous allez devoir nous confier les doubles de vos clés de cadenas de sorte qu'en cas d'oubli ou de perte, vous n'aurez qu'à venir à la vie scolaire pour les récupérer ! Avec un code, si vous l'oubliez, nous nous verrons contraints de le couper !
Thomas – Et avec quoi vous le coupez ?
Tony – Laissons cela ! Bon, vous vous munissez de vos cadenas ?
Un gamin – Celui là, Tony, il va ?
Tony – Oui… il a la bonne taille…
Un autre gamin – Et c'ui là ?
Tony – Oui… mais c'est le même !
Une gamine – Et ça, ça va ? Parce que je l'ai acheté hier !
Tony – Oui, oui !... Mais de toute façon, à de rares exceptions près, vous devez avoir les mêmes puisqu'ils sont standards !
Un petit encore plus petit que les autres – Et ce cadenas, ça va ?
Tony, les yeux au ciel et la vessie près du sol – Oui ! Mais je vous répète que vous avez à peu près tous les mêmes…
Une gamine excitée, coupant la parole de Tony – Et rose, ça va ?
Tony – Mais oui ! On s'en fout de la couleur !
La gamine, vexée – Vous parlez mal pour un pion !
Tony, peu amène – D'abord on ne dit pas pion mais assistant d'éducation ! Et puis je te rappelle qu'on ne coupe pas la parole d'un adulte !
Chloé – Et ceux qui n'ont pas de cadenas, ils font comment ?
Tony – Ils vont mettre, pour aujourd'hui, leurs cartables dans le local réservé aux quatrièmes et troisièmes !
Chloé – Le local est toujours collectif ?...
Tony, dubitatif – Euh… oui… pourquoi ?
Chloé – Non parce qu'il y a des vols ! Je le sais, c'est ma sœur qui me l'a dit !
Tony – Ta sœur ?
Chloé – Emilie ! Elle était troisième l'an dernier !
Tony – Ah ! Euh… de toute façon il n'y a que des sixièmes pour l'instant et puis le local va être surveillé aujourd'hui, ne soyez pas inquiets !
Chloé – Pourquoi, il ne l'est pas d'habitude ?
Tony – Bref ! Rangez vos sacs et rejoignez-moi juste au passage qui mène au réfectoire !
Chloé, arrivée avant les autres – Ma sœur t'envoie le bonjour, au fait !
Tony – Merci… salue-la de ma part ! Où est-elle, cette année ?
Chloé – Au lycée John Von Neumann ! Mais elle ne prend les cours que dans une semaine ! C'est pas juste !
Tony, regardant les petits sixièmes arriver – Bah… un jour, un sixième dira la même chose quand toi tu seras au lycée !
Dahlia, près du réf, sous le regard étonné de Tony – Qu'est-ce qu'elle a cette grosse pute ! J'vais lui niquer la gueule, moi !
Chloé, à Tony – C'est normal qu'elle parle comme ça ?
Tony, défait – Tout dépend de ce que tu entends par « normal » !...