23. Le Bush à oreille. Acte IV.
23. Le Bush à oreille.
Acte IV.
Monsieur Dufour, à sa collègue – Non mais moi, j’en ai marre qu’on coupe des têtes à tout va ! Alors un ado à problèmes commet une erreur et hop ! On le casse définitivement ! Mais moi, j’aurais leur âge, j’aurais envie de foutre le feu partout !
Madame Sauzéon – Ils sont surveillants… ils n’ont pas eu notre cursus en Sciences de l’Education et du coup, je crois qu’ils n’ont pas la même vocation que nous… Leur réaction est prévisible, quelque part…
Monsieur Dufour – Ouais mais ça me fait chier !
Madame Bretelle, pour une fois souriante – Bonsoir tout le monde… Anna : je sais qu’il est un peu tard, mais est-ce qu’il serait possible d’avoir le récapitulatif des absences de Ludovic ? – Tout le monde est sur les fesses : c’est rare une Bretelle si détendue.
Anna compulse son ordinateur – Oui… alors : il est absent depuis le 11 septembre…
Madame Bretelle – D’accord… et il a eu d’autres absences ?
Anna – Oui : du 3 au 5 septembre, et ensuite du 9 au 10. A chaque fois, sans motif !
Madame Bretelle – D’accord… comment ça se passe, d’habitude ? Vous essayez de joindre les parents ? Vous envoyez du courrier ?
Anna – D’habitude, oui. Mais pour Ludovic, on n’a aucun numéro où appeler ! Quant au courrier, il ne nous revient jamais puisque Ludovic n’est jamais au collège !
Ed – Sauf entre midi et deux heures pour jouer au foot avec ses potes !
Madame Bretelle, étonnée – Ah bon ? Et comment il rentre ?
Ed – En faisant le mur… jusqu’à ce qu’on le vire !
Madame Bretelle – D’accord ! Donc vous le voyez juste dans la cour pour jouer au foot !
Ed – Et à la sortie du collège, presque tous les jours !
Madame Bretelle, songeuse – Bien ! Je vais le voir en sortant…
Madame Sauzéon – D’ailleurs, ça sonne dans cinq minutes ! On ferait mieux d’y aller !
***
Aurore, à Ed, sur le chemin – J’en reviens pas comme il m’a parlé tout à l’heure !
Ed – Laisse tomber, va ! Il est content, il a piqué se petite colère ! Il a besoin de montrer qu’il est le seul à avoir le cœur qui fait défaut aux autres !
Aurore – Regarde ! Alexandre et ses copains !
Ed – Ouais… je crois que la sortie va être animée !
Monsieur Dufour, qui déboule au trot – Et moi je dis qu’il ne va rien se passer ! C’est bon maintenant !
Ed, à Aurore – Mais de quoi il se mêle !
Monsieur Dufour ouvre le portail – Bon, Alexandre ! J’espère que tu vas te tenir tranquille, hein ?
Johnny, torse nu – Qu’est-ce qui sa passé tout à l’heur’ ?
Monsieur Dufour – Rien, Johnny ! Il ne s’est rien passé, ce n’est qu’un malentendu !
Johnny, sous le regard de Ludovic et de ses autres potes – J’va taper, moi ! J’va taper !
Monsieur Dufour, bienveillant – Non Johnny ! Tu ne vas taper personne…
Ludovic – Eh, Johnny, y dit qu’il a pas peur que ty tape !
Monsieur Dufour – Non ! Je n’ai pas dit ça bonhomme !
Johnny, furieux – J’va taper, moi !
Madame Bretelle – Dis-moi Ludovic ! Tu fais quoi, ici ? Je croyais que tu étais absent ?
Ludovic – J’me fous de quoi tu dis, toi !
Madame Bretelle – Ah bon ? Tu sais ce que m’a dit ton père, pourtant ? Tu sais qu’il m’a donné l’autorisation de téléphoner à ton frère ! Et tu sais que lui, il va te filer une raclée si je raconte tout ce que tu fais !
Ludovic, à Johnny – Viens ! On va ailleurs !
Johnny – J’veux taper, moi !
Ludovic – Non, viens ! On va taper ailleurs !
Monsieur Dufour, à l’attention des surveillants et surtout d’Ed – Bon, ben voilà ! Ce n’est pas aujourd’hui que le collège fera la une des faits divers !
Madame Bretelle – Ca se gère, ce genre de situation ! Seulement, il ne faut pas paniquer, c’est tout !
Monsieur Dufour – Bien sur que ça se gère ! Encore faut-il ne pas avoir peur de ce type d’enfants !
Madame Bretelle – C’est marrant parce que moi, j’ai toujours eu une prédilection pour les élèves difficiles ! Moi, ça ne m’intéresse pas les enfants sans problèmes ! Je ne comprends pas pourquoi on trouve autant d’adultes qui recherchent des élèves insignifiants !
Tony, à ses collègues – Qu’est-ce qui se passe là-bas ?
Aurore, paniquée – Ils se battent !
Monsieur Dufour – Ed, Tony ! Allez-y vite, c’est Johnny qui fait des siennes !
Ed – Quoi ?
Alexandre, rire carnassier – Eh ouais ! C’est pas moi qui nique tout !
Ed, à Johnny – Arrête, laisse-le !
Johnny, furax – Quoi, t’a veux te battre, toi ?
Ed – Euh… non, j’ai pas envie de passer sous la douche en débauchant !
Tony, sur un ton accusateur – Monsieur Dufour : on fait quoi, là ?
Monsieur Dufour – Johnny ! Pourquoi tu frappes Vincent ?
Johnny – J’vais tout taper, moi ! – A Monsieur Dufour - Allez viens, le gros ! J’va te taper !
Ed, à Vincent qu’il aide à se relever – Allez, lève-toi ! Pourquoi il t’a cogné ?
Vincent, tremblant – J’sais pas, moi ! Il m’a dit que j’étais gros, et moi je lui ai répondu que la gare de son mépris s’arrêtait au train de mon ignorance et là, il m’a défoncé !
Ed – Je vois… Ca va aller ta jambe ?
Vincent, en larmes – Il m’a mis plusieurs coups de pied dans la même jambe !...
Ed – Calme-toi Vincent ! Comment tu rentres chez toi ?
Vincent – C’est ma mère qui vient me chercher !
Ed – Ok, alors tu lui diras tout ce qui s’est passé ! Qu’elle n’hésite pas à porter plainte !
Aurore – Ed ! Johnny et Dufour : ils vont finir par en venir aux mains !
Ed – Laisse faire ! Il ne veut rien entendre quand on lui dit que Johnny et toute sa clique nous pose des problèmes tous les jours au portail ? Qu’il se démerde ! On va voir si sa fameuse générosité l’aide à s’en sortir !
Tony, d’un cri – Alexandre ! Non ! – Trop tard ! Alexandre venait d’allumer méchamment Olaf au moment où ce dernier s’apprêtait à monter dans le bus de ville.
Ludovic, à Jonny – Eh, Johnny ! Le pion, y va taper Alexander!
Johnny, à Tony – Tu va t’a battre ? Allez, viens ! J’te nique !
Madame Bretelle – Bon, j’ai compris ! Je vais appeler ton frère Ludovic ! Puisqu’il n’y a que ça pour te calmer !...
Ludovic, soudain chouineur – Non madame, non ! S’il-vous-plaît !
Madame Bretelle, déjà loin – C’est trop tard ! Il ne fallait pas abuser de ma patience !
Alexandre débarque près de l’équipe pédagogique – Y’a un problème ? Qui c’est qui veut appeler les flics ?
Monsieur Dufour – Pourquoi tu as frappé Olaf ? Tu m’avais donné ta parole !
Alexandre, un rictus au coin des lèvres – Ben… j’avais envie ! Et puis les autres aussi ils ont frappé ! Y’a pas que moi !
Monsieur Dufour – Je vais en parler à ton père ! C’est plus possible !
Alexandre monte sur son scooter – Ouais, c’est ça ! Moi j’me barre, ça pue la mort ici !
***
Monsieur Dufour, un œil sur sa montre – Bon, ça fait dix minutes qu’ils se sont barrés… Je crois que c’est fini pour ce soir !
Tony – Qu’est-ce qui va se passer demain ?
Madame Sauzéon – Moi, il faudrait que j’y aille, Christian ! J’ai ma fille à aller chercher à l’hôpital…
Monsieur Dufour – OK, pas de problème ! Vas-y ! Je vais rester ici surveiller un peu !
Madame Sauzéon – C’est bon ? T’es sûr ?
Monsieur Dufour – Mais oui ! Alexandre est parti et les autres, ils l’ont faite leur bêtise ! La tempête est passée…
Aurore – Moi, je ne suis pas rassurée de devoir rester jusqu’à cinq heures et demie ! Qui nous dit qu’il ne va pas nous arriver une autre tuile ?
Ed – Personne !
Tony – On devrait appeler les flics !
Ed – Tu sais très bien qu’on n’est pas habilité à le faire ! Il faut que ça vienne d’en haut !
Tony – Mais ça ne sera jamais fait, alors !
Ed – Je sais bien !
Monsieur Dufour – Bon, écoutez : il faut que j’aille chercher ma fille à l’école, alors je vous laisse, ça devrait bien se passer !
Aurore – Et si on a un problème…
Monsieur Dufour – Vous m’appelez sur mon portable !
Aurore, en voyant le chef partir – Il a le droit de nous laisser comme ça ?
Tony – Non, mais c’est lui le chef ! Tu nous vois lui faire une remarque ?
Ed – Sa fille est en cinquième, Aurore ! Et son école est à deux pas… Tu vois où je veux en venir ?
Aurore – Tu rigoles ?
Ed – Rentre chez toi ! On ne sait pas ce qui pourrait se passer !