SEVICE PUBLIC

24. L’ENVERS ET L’ENDROIT.



PARTIE II.




Ed n’avait pas commencé son « stage assistant d’éducation » qu’il en avait déjà marre : c’est vrai, cela faisait quelques temps qu’il exerçait comme pion, alors à quoi bon suivre une pseudo formation maintenant ? Si à la limite il l’avait suivie avant d’être en poste ! Un intervenant arriva dans la sale de classe :

- Bonjour, je suis François Dubois, sociologue et spécialiste de la question pédagogique.

Ed, pensant à voix haute – Ca y est, on a droit aux spécialistes !

Un type – Chut !

François Dubois – Alors je voudrais d’abord évoquer les conditions d’embauche des assistants d’éducation…

Ed, tapant son SMS - « Salut Toto ! Ce stage, c’est de la daube ! »

Le type, à Ed qui, pour tromper l’ennui, envoi un texto à Tony – Normalement le téléphone doit être éteint et rangé !

Ed, après avoir envoyé son message, à voix basse – Quoi ? Vous êtes responsable de la sécurité ?

François Dubois - …il est évident que les responsables d’établissement, et ce dans leur grande majorité, embauchent des étudiants pour occuper les places d’assistants d’éducation ! Mais là où se pose le problème, c’est qu’en règle générale, les assistants d’éducation sont des universitaires, des chercheurs et ils n’ont pas de références leur permettant d’appréhender concrètement les élèves qui font preuve d’un comportement difficile…

Ed, lisant la réponse de Tony - « Te plains pas, ici c’est l’enfer ! » Zut ! J’espère que les autres ne vont pas le laisser se démerder tout seul !

Le type, voyant qu’Ed tape un autre message  – Non mais ce n’est pas vrai ! Vous ne pouvez pas écouter, un peu !

Ed, n’arrivant pas à envoyer son SMS – Mais qu’est ce que ça peut vous foutre à la fin ! Je vous fous la paix, moi ?

Le type – Vous vous comportez comme un enfant !

Ed, impatient – Mais lâchez moi la grappe !

Le type – La moindre des politesses, c’est d’écouter le sociologue !

Ed, ne pouvant toujours pas envoyer son SMS – Mais je n’en ai rien à carrer de ce qu’il raconte ! Je sais déjà ce qu’il va dire !...

L’assemblée, exaspérée – Chut !

Ed, envoyant enfin son texto - « Te fais pas avoir ! Fais gaffe de ne pas te taper toutes les permanences ! »

François Dubois - …dans la mesure où les étudiants sont des représentants de ceux qui ont intégré le système par le médium de l’acculturation, ils peuvent passer aux yeux des enfants en voie de déscolarisation pour des ennemis…

Ed, en lui même – Il répond déjà ? « Non, pas cette fois ! Je fais la mienne et je me barre ! » Bon j’espère qu’il va faire ce qu’il dit…

Le type, à un autre – Je ne sais pas pourquoi certains viennent si c’est pour ne rien écouter !

François Dubois - …pourtant, ce sont ces élèves difficiles qui sont les plus intéressants ! C’est vrai, les autres, ceux qui ne posent aucun problème, ils ne vous laissent pas l’occasion de vous occuper d’eux puisqu’ils passent leur scolarité sans entraves : leur vie se situe en dehors de l’école alors que les autres, par leur opacité vis-à-vis du système scolaire, leur irréductibilité, vous obligent à vous remettre en question…

Ed, interpellé par un autre texto de Tony - « Ca y est, Ed, la perme est finie ! »

Le type – Non mais il n’a pas fini avec son téléphone, celui-là ?

Ed, au type – Zut !

François Dubois - …les temps ont changé, de toute façon, et l’école doit intégrer ces changements ! On ne peut plus se contenter, à l’école primaire, d’apprendre à lire, à écrire et à compter ! Nous devons nous inscrire dans l’ouverture qu’est la mondialisation : comment un enfant français pourra t-il vivre en société s’il ne comprend pas la langue des nouveaux arrivants, ou au moins une langue lui permettant de communiquer avec ces nouveaux arrivants ? Et comment l’école pourrait elle ôter à l’enfant, même au primaire, ce plaisir de faire des recherches, d’utiliser la technologie en phase avec son temps et qui lui permet de rester comme connecté au flux du changement perpétuel…

Ed, à une mégère qui visiblement supervise l’assemblée – Excusez moi, madame, je ne me sens pas bien… Puis-je sortir un instant ?

La mégère – Oui ! Mais que ça ne dure pas une heure !

Ed, hypocrite – Merci !

Le type, à la mégère – Excusez-moi, madame, mais ce jeune homme est insupportable ! Il envois des SMS depuis le début de la conférence ! Il n’en a rien à faire de l’intervention de monsieur Dubois ! A mon avis, il est sortit pour prendre l’air, mais il n’est pas malade !

La mégère, remontée – Ah bon ! Je vais le chercher ! Ca ne va pas se passer comme ça !

Ed, dehors, au téléphone – « (…) C’est Ed ! (…) Ben ça peut aller... je suis sorti fumer une cloppe pendant le séminaire sur les ados difficiles! Et toi, ça va ?(…) Ca n'a pas l'air! J'espère que tu ne te fais pas entuber par les morues! (…) Des permes, tu veux dire? (…) Bon, ce soir, ça te dis pizzas et dvd de Hellraiser ?... »

La mégère, interrompant Ed en l’agrippant par le bras – Non mais je rêve ! C’est ça que vous appelez être malade ? Rentrez tout de suite !

Ed, agacé – C’est bon, je suis sorti fumer une cloppe, il n’y a pas mort d’homme !

La mégère – J’en ferai part à votre principal !

Le type, dans l’assemblée, en plein exercice de lèche pédagogique – Vous avez raison, monsieur Dubois, lorsque vous dites que les adultes ne doivent pas réagir violement à l’agression d’un enfant !

François Dubois – Vous avez tout à fait raison ! Quand un adulte réagit violement, il est comme un miroir de la violence de l’enfant !

Le type – Exactement, c’est tout à fait ça !

François Dubois – Tout à fait ! Vous avez raison !

Ed, de retour dans l’assemblée, lâchant une vesse – Ouf !

La mégère, discrètement, au type – Vous aviez raison ! Il était sortit pour fumer et téléphoner… euh… vous ne trouvez pas qu’il y a une drôle d’odeur ?

Le type – Mais oui ! Il n’a fait que se servir de son téléphone…! – Après une brève hésitation - Effectivement ! Ca sent mauvais, même !

Ed, conscient que les deux nazes le regardent – Désolé, mais c’est pour ça que je suis sorti tout à l’heure ! – Puis, pour lui-même – Punaise ! J’ai du attraper une gastro !

Un intervenant – Bon, je crois que si plus personne n’a de questions, monsieur Dubois va pouvoir retourner à ses recherches !... Je vous propose une petite pause avant l’atelier pratique « enfants en danger » où nous verrons par l’exemple comment un adulte se doit de réagir devant un enfant agressif !

Le type, écœuré, dans le brouhaha du public euphorique – Oui, on va pouvoir aérer la pièce !

Ed, préférant l’humour à la tarte qu’il avait envie de lui coller – Tout à fait ! J’en profite, du coup, pour en lâcher une autre !

La mégère, alors qu’Ed sort – Ouf !! C’est une infection !

Ed, sortant une cloppe, à un gars tout petit – Excusez moi, mon briquet ne fonctionne plus… pourrais-je avoir du feu s’il-vous-plaît ?

Une voix familière, venant de derrière – C’est la pause ou vous avez trouvé un moyen de vous faire la malle ?

Ed, surpris, quoique agréablement – Monsieur Dufour ?

Monsieur Dufour, content de son intervention - Oui, je dois assister à une conférence sur la réinsertion des élèves difficiles en milieu scolaire !

Ed – Ah ? J’espère que ce sera mieux que la farine que je me suis fadé !

Monsieur Dufour, cinglant – « Farine » ? C’est une notion pédagogique ?

Ed – Non, c’est une notion de Hobbes !

Monsieur Dufour, étonné – Ah bon ?

 




20/11/2009
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