SEVICE PUBLIC

4. LE VICE DE PRO : C’EST DUR !





Il devait être près de midi quand Tony sortit de l’infirmerie où il avait prodigué des soins bien modestes à une gamine de troisième qui s’était ruiné le dos en dévalant les escaliers.

- Vous vous étiez enfermé pour y dormir ? – demanda un bonhomme un peu rond dans son rire d’autosatisfaction – Je me présente : monsieur Vandeputte, principal adjoint.

Tony, surpris à la fois du propos déplacé et de la familiarité – Euh… Non, j’ai allongé la petite et lui ai mis de la glace sur le dos…Je crois que l’on ferait mieux  de faire venir les parents !

Monsieur Vandeputte - Quelle petite ?

Tony, ne comprenant absolument rien à l’incompréhension de monsieur Vandeputte - Quoi ? Mais la petite que des gamins de sa classe ont fait tomber dans les escaliers ! J’ai envoyé un petit sixième vous prévenir !

Monsieur Vandeputte - Ah oui ! Non, mais c’était grave ?

Tony, catastrophé - Mais oui ! Elle a dévalé toute une rangée de marches sur le dos !

Monsieur Vandeputte, étonné – Non !… Et qu’est-ce qui s’est passé ? C’est qui ?

Tony – Elle s’appelle Olivia Troque, je crois… 

Monsieur Vandeputte, soudain l’air moins inquiet - Ah ! C’est bon, avant ce soir on va avoir les parents sur le dos! L’an dernier, vous n’étiez pas là, ses parents sont venus nous faire un scandale parce que la gosse s’était faite un peu racketter ! Je ne vous dis pas l’histoire !

Tony - Non mais là, elle a le dos en morceaux !

Monsieur Vandeputte, pète sec – Oh ! Et puis je ne suis pas CPE, moi !

Tony, timidement – Mais les CPE sont en stage…

Monsieur Vandeputte - Ah, elle nous emmerde celle là avec son dos ! Depuis l’an dernier on n’entend parler que de son dos ! Bon, d’accord, le gamin l’avait faite tomber par la fenêtre du premier étage…

Tony - Non mais là, elle morfle vraiment !

Monsieur Vandeputte - Et comment ça s’est passé ?

Tony - Ben disons que deux garçons de sa classe ont fait le pari de la faire tomber le plus loin possible dans les escaliers !

Monsieur Vandeputte - Ah… Mais elle avait des problèmes avec ces garçons ?

Tony - Apparemment ils la chahutent parce qu’elle est la meilleure de sa classe… - Puis, dégouté - Non, mais je ne comprends pas comment on peut être aussi con !!

Monsieur Vandeputte, l’air réprobateur - Comment ça ?

Tony - Je dis qu’il faut être con pour pousser de toutes ses forces une élève dans les escaliers, qui plus est pendant qu’elle les descend ! Et l’âge ne change rien à l’affaire ! Ils savaient très bien comment ceci allait se finir !!

Monsieur Vandeputte, sentencieux - Alors moi je crois que la connerie c’est de mettre mille élèves dans un établissement prévu pour en accueillir huit cents !

Tony - Non, mais le problème n’est pas là…Ce n’est pas un accident du à l’exiguïté des lieux mais le résultat du pari de deux débiles !

Monsieur Vandeputte - Je ne crois pas que le qualificatif de « débile » soit dans le registre pédagogique… Je crois qu’à force de stigmatiser des élèves pour une raison quelconque, que ce soit parce que ce sont des petits « voyous », ou des mauvais élèves, ou des gens d’origine modeste, on en arrive à ces extrémités… - Madame Bretelle, la directrice des SEGPA interpella son homologue pour lui dire qu’elle allait manger, qu’elle n’y tenait plus – Oui, oui…je viens…

Tony, agacé - Et je fais quoi de la gamine ?

Madame Bretelle – Quelle gamine ?

Monsieur Vandeputte – Non mais ce n’est rien ! C’est la Troque qui recommence sa comédie !

Madame Bretelle, l’air pensif – Troque…ça me dit quelque chose…

Monsieur Vandeputte – Mais oui ! Tu ne te souviens pas de celle qu’un de tes petits avait fait tomber par la fenêtre ?

Madame Bretelle - Celle dont les parents…

Monsieur Vandeputte – Exact !

Madame Bretelle – Oh elle nous emmerde celle-là !

Mario, tenant une élève de troisième par l’épaule, l’autre par le bras – Excusez-moi, mais ces deux élèves se battent au réfectoire ! – Et effectivement, l’une des deux saignait abondamment du pif.

Madame Bretelle, le regard vide, à la fauteuse – Pourquoi tu l’as frappée dans le nez ?

Monsieur Vandeputte, exaspéré – On aurait mieux fait de sortir, il y en a pour une heure maintenant ! Moi j’ai faim !

Marion – Mais j’en ai marre de cette salope, elle fait rien que de me traiter !

Madame Bretelle, furieuse – C’est quoi ce vocabulaire ! Donne moi ton nom !

Marion, chouinant – Marion Malfait…

Madame Bretelle – Très bien ! Tu vas t’asseoir dans la vie scolaire et on verra avec les CPE ce que l’on fait de toi !

Tony – Et pour Olivia on fait quoi ?

Madame Bretelle – Oh mais arrêtez un peu avec Olivia ! Il y a plus grave là !

Monsieur Vandeputte, à un Tony halluciné – C’est bon, elle ne va pas mourir de sa chute… On verra ça demain ! Là pour l’instant, il y a une priorité !

Madame Bretelle – Pourquoi tu l’as frappée ?

Marion – Mais elle fait que de me traiter !

Madame Bretelle – Ce n’est pas une raison ! Si tu as des problèmes, tu viens le dire à la vie scolaire et on s’en charge ! Joanne, tu lui as dit quoi pour qu’elle te frappe ?

Joanne, le pif à vif – Ouais, j’en ai marre qu’elle se croiye tout permis !

Madame Bretelle – Bon, expliquez-vous où je demande au proviseur l’exclusion pour vous deux ! Marion, qu’as-tu à me dire ?!

Marion, hurlant de pleurs, le râtelier baveux – Mais elle fait que dire que je suce tous les garçons du collège !

Madame Bretelle, furieuse – C’est quoi cette histoire ? Pourquoi dis-tu qu’elle suce tous les garçons ? – Comme s’il eut été la peine de répéter l’énoncé dans son intégralité ! Une mesure pédagogique sans doute !

Joanne, en pleurs à son tour – Mais parce que quand y’a des fêtes, elle drague mon petit copain et en plus…

Madame Bretelle – Et alors, c’est une raison pour la calomnier ? Tu aimerais, toi, que j’aille raconter partout des saletés sur toi ?

Joanne – Mais c’est vrai madame, c’est pas des calomnies ! Hier soir, pendant ma fête elle a dragué mon petit copain et après elle l’a sucé !

Madame Bretelle – Comment ça elle l’a sucé ?

Joanne, hystérique – Mais oui, et en plus elle a sucé Jérémy et son cousin !

Madame Bretelle – Ca veut dire quoi, ça, Marion ?  Pourquoi tu as fait ça ?

Marion, effondrée – Mais je l’ai fait qu’une fois !

Madame Bretelle – Arrête de mentir, Joanne dit que tu l’as fait aux trois !

Marion – Oui mais je l’ai fait qu’une fois à chacun !

Madame Bretelle, à monsieur Vandeputte – Non mais je crois que je rêve !

Marion – Joanne, tu as gavé  détruit ma vie, je pourrai plus jamais m’en remettre !

Monsieur Vandeputte – Bon alors moi je crois que même si vous avez des désirs, ce que je comprends bien, il y a des choses qui ne sont pas encore de votre âge ! Pour l’instant vous allez au réfectoire, vous êtes de corvée de plonge pour la semaine ! Je ne veux plus d’histoires entre vous ! Et on verra cet après midi avec les CPE la sanction que l’on va vous donner !

Madame Bretelle – Allez, sortez, je ne veux plus vous voir !

Anna, qui cherchait à prévenir les parents de l’incident – Je n’arrive pas à avoir les parents de Marion Malfait ! Je fais quoi ?

Monsieur Vandeputte – Ecoutez, laissez tomber, on règlera ça tout à l’heure ! Moi j’aimerai bien aller manger maintenant !

Tony – Et pour les andouilles qui ont fait tomber Olivia… On fait quoi ?

Monsieur Vandeputte – Convoquez les moi pour demain matin ou cet après midi…Bon moi je vais manger !

Madame Bretelle – Bon, j’arrive…Ah oui, Tony ! Y’a pas une petite SEGPA qui est venue vous voir ce matin pour vous dire qu’une de ses camarades la regardait avec l’air narquois chaque fois qu’elle allait aux toilettes ?

Tony – Euh…si…mais j’ai zappé avec l’histoire d’Olivia !

Madame Bretelle – J’apprécierai que vous preniez les problèmes des SEGPA un peu plus au sérieux et que vous les traitiez sans traîner dorénavant !



20/07/2009
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