SEVICE PUBLIC

29. LE CON DAMNE.





Le petit Ludovic se sentait victime d’une injustice : réprimandé par Olga pour avoir jeté, au réfectoire,  un pichet à la figure d’une fillette de sixième parce qu’elle avait eu un œuf mimosa de plus dans son assiette, il alla chercher son cousin Johnny. Johnny, bien qu’en quatrième, inspirait la terreur… et pas qu’aux enfants ! Il pesait soixante cinq kilos pour un mètre soixante, avait un regard de tueur, était globalement carré (de profil comme de face), et surtout : il était  pourvu de poils très long dans le dos et sentait la sueur à des lieues.

Johnny, entrant dans le réfectoire, aux agents de service – Allez tous vous faire enculer !

La femme de ménage, outrée – Comment ?

Johnny, gonflant la poitrine – Va ta cacher, t’es moche !

Ludovic, pointant du doigt Olga – Ell’est lô ! C’est ell’ qui me trait’ de mort !

Johnny, invectivant Olga – Qu’est c’t’a, toi ? Pourquoi tu auras dit à mon cousin qui va aller voir le directeur de SEGPA ?

Olga, irritée mais inquiète de l’irruption du monstre – J’ai pas de compte à te rendre !

Johnny – Fais gaff’toi ! J’va te violer avec mes frères !

Olga, au bord des larmes – On règlera ça avec ta directrice ! – Puis à un élève en train de se battre avec se quenelle – Va me chercher un surveillant s’il-te-plaît !

Johnny – J’attends moi ! Moi si j’vois un pion, j’va le taper !

Olga, à Johnny – Sors d’ici maintenant !

Johnny – Nan ! Moi j’va pas sortir maintenant ! Moi j’attends les pions, j’va m’battre !

Cédric, « un pas après l’autre » – Qu’est-ce qui se passe Johnny ?

Johnny, le défiant en s’approchant de lui – Quoi ? T’va t’battre ?

Cédric, cool – Non, je ne veux pas me battre avec toi Johnny…

Ludovic, derrière Cédric – Vas y, tap’ le !

Johnny, déboutonnant sa chemise – Vas y, va t’battre !

Cédric – Attend Johnny! C’est ridicule! Je ne me bats pas avec les élèves…

Ludovic, bousculant Cédric par derrière – Il a dit qui se bat pas avec les SEGPA!

Johnny, très remonté – Quoi ? T’as dit quoi ?

Cédric, inquiet – J’ai rien dit ! C’est ton cousin…

Ludovic, poussant encore Cédric – Lo menteu’ ! Il aime pas les SEGPA !

Ed, suivi de Tony – C’est quoi ce que je viens de voir ?

Johnny, torse nu – Encule ta mère !

Ed – Pardon ?

Johnny – Viens ta battre toi !

Ed – Reste calme, un conseil !

Ludovic – Y veut te taper aussi Johnny !

Tony, à Ludovic – Toi, tu vas sortir d’ici, pour commencer !

Ludovic, à Tony – Enculé de ta grand-mère !

Alexandre, quittant sa table pour invectiver Tony – Laisse mon pote, toi !

Ed, voyant la mine déconfite de Tony – Alexandre, on ne t’a pas sifflé ! Retourne à tes quenelles !

Alexandre, s’approchant d’Ed, hostile – Vas-y, mais comment tu me parles, là !

Ed, encore calme – Recule !

Alexandre, front à front – Sinon tu vas faire quoi ?

Ed, décidé – Recule !

Alexandre – Vas y, tape moi !

Ed, interposant sa main entre lui et l’élève collé torse contre torse – Recule, je te dis !

Alexandre, prenant Ed par le col – Putain, j’vais t’taper sale pédé !

 

Et là, ce qui devait arriver arriva : Ed fit une balayette à Alexandre qui heurta violemment la tête contre le sol. Johnny sauta hargneusement sur Ed au moment où Ludovic lui assénait des coups de poings dans les lombaires. Les autres surveillants, stupéfaits, n’eurent même pas le temps de réagir : Ed souleva Johnny par le cou et le fracassa contre le mur avant de mettre un pousson à Ludovic qui heurta le sein d’Olga. Les CPE intervinrent avec l’appui de madame Bretelle qui saisit Ludovic par la peau du dos pour l’empêcher de revenir à la charge. Madame Sauzéon et monsieur Dufour ne furent pas trop de deux pour calmer Ed. Les surveillantes arrivèrent pour consoler Olga et les élèves qui pleuraient, choqués par les évènements. Monsieur Vandeputte, informé des faits par l’élève qui se battait avec sa quenelle quelques minutes avant le drame, fit une descente au réfectoire. Madame Sauzéon avait beau essayer d’apaiser Ed en lui disant qu’il ne devait pas réagir aux provocations que continuaient de proférer les trois cons, il finit par hurler à Alexandre que si son frère s’avisait à vouloir régler le problème, il le tuerait ! Là, Tony comprit qu’ils avaient atteint la pire des situations.

Johnny, Ludovic et Alexandre finirent dans le bureau du principal accompagnés de madame Bretelle et des CPE : des mesures devaient être prises. Ed dut aller à la gendarmerie faire une déposition mais n’étant pas en état de conduire, Tony l’accompagna. Madame Bretelle téléphona aux parents des trois élèves et furent avertis que leurs enfants passeraient en conseil de discipline. L’équipe de direction, en revanche,  achoppa sur l’attitude à adopter à l’égard d’Ed.

Monsieur Vandeputte était partisan de son renvoi pour faute : un adulte, quelle que soit la situation, n’avait pas à user de violence contre un enfant.

Madame Bretelle fut plus nuancée : certes, elle n’aimait pas Ed, trop désinvolte, mais elle reconnaissait que la qualité de primo-délinquant des trois lascars n’avait probablement pas laissé beaucoup d’alternatives au surveillant.

Madame Sauzéon relativisa le côté désinvolte d’Ed en arguant du fait que sa nonchalance ne l’empêchait nullement de bien faire son travail et d’être apprécié de nombreux élèves. Argument auquel monsieur Dufour ajouta qu’Ed avait aussi une grande capacité d’écoute, pourvu que l’élève ne soit pas trop agressif.

La discussion devint vite houleuse lorsque monsieur Vandeputte s’opposa formellement à toute mesure de clémence envers le « pion » fautif. C’est monsieur Lagardère, le principal, qui coupa court au débat en disant que l’incident devait se produire tôt ou tard et qu’ils en étaient tous responsables ! Les conseils de discipline auraient du avoir lieu l’année précédente, quand ces trois-là, accompagnés d’un quatrième élève, parti depuis, avaient fomenté un mauvais coup contre un surveillant qui avait mis en retenue Alexandre. Le traquenard avait consisté à introduire des gens extérieurs à l’établissement et à cogner sur ledit surveillant…qu’un adulte avait même mordu au bras jusqu’à lui arracher la peau !

A la vie scolaire aussi, les discussions allaient bon train. Mario assurait l’appel des classes et l’accueil téléphonique. Il était souvent contacté par des parents inquiets qui avaient eu vent des évènements. Mario tâchait de les rassurer en minimisant ce qui s’était passé, mais il y perdait la santé tant les parents ressassaient ce qui pouvait arriver à leurs bambins.

Johanna n’était pas amène avec Ed et elle faisait savoir qu’elle souhaitait une mise à pied définitive ; elle en parlerait au syndicat, juste pour voir, mais elle « savait » en son for intérieur que la réaction d’Ed était intolérable.

Mario, entre deux séances de psychanalyse pour parents effrayés, la rembarra en lui disant que vu le passif des élèves incriminés, la responsabilité incombait à tous ceux qui avaient fait en sorte de garder dans l’établissement ces trois « crevards »

Anna était plutôt attentiste : il fallait voir ce que décideraient les membres de la direction. Ce qui était sûr, selon elle, c’est que tout ceci était un beau gâchis et un échec de l’équipe pédagogique toute entière.

Olga, bizarrement, pris la défense d’ Ed : elle ne pouvait peut être pas le blairer mais elle reconnaissait que sans son intervention, les choses auraient peut être mal finies pour elle !

Cédric, comme à son habitude, pérora sur le travail d’éducateur et sur la nécessité, pour un adulte, de ne jamais, ô grand jamais, lever la main sur un enfant. Propos auquel Mario répondit par « foutaises ! » avant de lui lâcher qu’avec des théories de mou du genou, on ne pouvait que convaincre des délinquants du bien fondé de leurs exactions.

Maria clama haut et fort qu’elle n’en avait rien à foutre, que ça ne la concernait pas, qu’elle aurait bien aimé qu’il y en ait un qui ne se relève pas, enfant ou pas, qu’elle ne pouvait pas blairer Ed et, pour finir, qu’elle les emmerdait tous.

La semaine suivante, Johnny et Ludovic furent définitivement renvoyés de l’établissement et Alexandre se vit accorder un sursis. Ed ne fut pas sanctionné grâce aux CPE mais eu droit à une leçon de morale bien compacte. Les parents se calmèrent, Alexandre attendit deux jours pour recommencer ses provocations et le collège récupéra deux élèves exclus du collège voisin : et oui, Ludovic et Johnny n’ayant pas encore seize ans, le collège d’à côté dut les intégrer ! En contre partie, il fila deux patates chaudes qu’il ne pouvait plus garder : la quantité de connerie restait constante.

 

Quant à  la petite qui avait pris le pichet dans la tronche…



28/12/2009
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