36. J-3
Olga était au bureau et si elle discutait avec Maria, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ambiance avec le reste de la vie scolaire était glaciale : Tony et Ed étaient assis à plier les bulletins de notes de troisième trimestre. Un élève de SEGPA fut viré de permanence et accompagné au bureau par Thomas Perrier, élève de sixième.
Ed, connaissant la réponse à sa question – Tu fais quoi, là ?
Jaffrey, l'air fermé – Ouais, c'est bon !
Thomas – Il s'est fait viré de perme…
Ed – Tu dailles Jaffrey ! On n'est pas en vacances encore !
Jaffrey, pas plus ouvert – Ouais, c'est bon !
Ed, agacé – Quoi, c'est bon ?
Jaffrey – Mais c'est bon !
Monsieur Dufour, entrant dans la vie scolaire, un regard pour Jaffrey – Bonjour… tu fais quoi, toi, ici ?
Jaffrey – Mais c'est bon !
Monsieur Dufour, faussement calme – Alors tu vas me parler sur un autre ton bonhomme ! D'accord ?
Jaffrey, dans sa barbe – Mais ouais, c'est bon !
Monsieur Dufour – Ca fait trois fois cette semaine ! Qui est-ce qui t'as viré ?
Thomas, comblant le silence obstiné de Jaffrey – C'est Anna ! Il a jeté son sac et quand elle lui a demandé de le ramasser, il lui a répondu qu'elle avait qu'à essayer de le forcer !
Monsieur Dufour, le ton plus haut – Non mais ça ne va pas ? En plus c'est Anna qui te vire… tu vois, bonhomme, si ça avait été un autre surveillant, je crois que je t'aurais donné le bénéfice du doute, parce que Anna, ce n'est pas le genre de personne qui se défoule sur un élève en particulier sous prétexte que sa tête ne lui revient pas ! Alors tu vas t'asseoir avec les garçons, là, et tu attends ! Je verrai ça plus tard avec madame Bretelle !
Tony, à monsieur Dufour – On a fini les bulletins de quatrièmes… il ne nous reste plus qu'un niveau à mettre sous pli.
Monsieur Dufour – D'accord… mais je ne viens pas pour ça : Maria, regardez dans mon bureau, s'il-vous-plaît, et prenez mon classeur rose… Tony, vous pouvez monter en salle 305 me chercher Mattheus ? – L'avantage avec les prénoms rares, c'est qu'à défaut d'être précieux, ils dispensent de préciser le nom ! – Amenez-le moi chez monsieur Lagardère… on a un souci !
Tony – Ok, j'y vais… - Puis, pour lui-même – Qu'est-ce qu'il a fait pour se voir convoquer chez Lagardère ?
Le prof de dessin, trouvant Tony dans les escaliers – Va bosser au lieu de chercher des champignons !
Tony, brusquement réveillé de ses songes – Hein ? Ah ! Elle est bonne !... – Puis, frappant à la porte de la classe – Bonjour, je viens chercher Mattheus !
Le prof de maths – Ah oui… mais moi je fais un contrôle, là ! Ca ne peut pas attendre ?
Tony – Non, c'est le CPE qui veut le voir !
Le prof – J'en ai assez d'être interrompu à chaque fois que je fais cours ! Allez, Mattheus, suit le pion !
Tony, gêné par le vocable utilisé par le prof – Allez, viens ! On va faire vite…
Mattheus, le regard torve – Qu'est-ce que j'ai fait !
Tony, l'air absent – Je ne sais pas… on m'a demandé de venir te chercher, je n'en sais pas plus…
Mattheus, la voix inhabituellement aigue – Mais vas y, dis moi ce que j'ai fait !
Tony, énervé – Mais j'en sais rien, merde !
Mattheus, la voix plus grave – C'est bon ! Me manque pas de respect !
Tony, fâché – Mais je ne te manque pas de respect ! Je te dis que je ne sais pas pourquoi tu es convoqué ! Alors n'insiste pas ! Et puis tu sais bien ce que tu as fait ! Alors ne me demande pas ce que tu as fait ! C'est débile à la fin !
Mattheus – Ouais… tu veux pas me dire ce que j'ai fait…
Tony, contenant l'explosion de rage qui couve – Bon ! Allez, entre dans le bureau de Lagardère !
Monsieur Lagardère, à Tony – Bonjour ! On peut dire que vous n'êtes pas pressé, vous !
Tony, coi – Euh…
Le gendarme – Merci ! Bonjour Mattheus !
Mattheus, à Tony – Ouais ! Tu savais pas, c'est ça ?
Le gendarme – C'est ici que ça se passe, Mattheus ! Tu peux nous parler de cette vidéo de happy slapping qui a été mise sur le net ?
Mattheus – Je ne sais pas…
Le gendarme – D'accord : ton copain Alexandre est déjà en garde à vue ! Alors tu as intérêt de te mettre à table !
Tony – Euh… c'est bon ?...
Monsieur Dufour – Oui, oui ! Allez-y !...
Tony, sortant du bureau de Lagardère, se dirigeant vers les toilettes – Oh non ! Ca pue la merde ! – Puis, entrant dans les toilettes, pressé par son envie d'uriner – La vache !
Maria, frappant à la porte de Tony – T'es là ?
Tony, pétrifié – Quoi ?
Maria – Vite ! Ouvre !...
Tony – Tu veux quoi ?
Maria – Raconte !
Tony, en lui-même – Putain, c'est pas vrai ! On ne peut pas pisser en paix ! – Puis, à Maria – Mais… va à la vie scolaire, je te raconterai !
Maria – Ok…
Tony, croyant que sa collègue sortie – Pfft ! Ca pue ! – Instant de terreur à la vue de ladite collègue - Maria ? Mais qu'est ce que tu fais là ?
Maria – Je t'ai attendu ! Alors, raconte ! Il paraît que le merdeux qui s'est fait viré… comment il s'appelle, déjà ? Enfin ! Il paraît qu'il s'est fait coffrer !
Tony – Viens, on va à la vie scolaire !
Maria, interpellée par l'odeur – Ah oui ! Je vois ! Tu as fait caca !
Tony, honteux et agacé que ça tombe toujours sur lui – Non !... Je suis allé pisser et j'ai pas trop eu le choix…
Maria, l'air entendu – Mouais… tu es allé faire pipi…
Olga, faisant irruption dans les toilettes empuantis – Ah, t'es là Maria… - Puis, voyant Tony – Qu'est ce que tu fous là, toi ?
Tony, plus que gêné – Ben…
Olga – Ca pue, ici! Je me casse!
Tony – Mais…
Maria – Bon allez, on sort ? Parce que moi, je vais vomir !
Tony, cessant de raconter ce qu'il avait vu dans le bureau de Lagardère en voyant un élève faire le mur – Attends ! Non mais j'y crois pas ! – Arrivant près du portail – Tu fais quoi Lola ?
Lola, moquée – Rien !
Tony – Et la cloppe, là ! C'est quoi ?
Lola – Je suis sortie du collège ! Tu peux rien me dire !
Tony – Et d'un : devant le collège tu es encore sous notre responsabilité ! Et de deux : tu étais à la vie scolaire il y a moins de dix minutes ! Comment se fait il que tu sois dehors !
Lola – Je suis sorti à la sonnerie !
Tony – Il n'y a pas encore eu de sonnerie ! Arrête de mentir !
Lola – Oh Tony, soit sympa ! Dis rien ! Sinon je vais me faire tuer !
Tony – J'y peux rien Lola ! Allez, viens avec moi et je vais voir ce que je peux faire !
Lola, comme effrayée – Merde !
Tony – Quoi ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
Lola – J'ai mes ours ! Et j'ai rien pris ce matin !
Tony, accablé – Bon, ben viens à la vie scolaire, y'a ce qu'il faut !
Lola – Ouais mais je veux pas que ce soit un tampon avec applicateur !
Tony – Pourquoi ?
Lola – Parce que la dernière fois que j'ai essayé d'en mettre un, je l'ai mis à l'envers ! Et bien, il s'est coincé ! Je te dis pas, chez moi, tout le monde s'est foutu de ma gueule !