SEVICE PUBLIC

33. LE CHOC DES TRITONS.





Ed – Alors tu as arrêté ta thèse pour de bon ?

Tony – Oui ! Ce n’était plus possible ! Bosser trente cinq heures par semaine, perdre deux heures par jour dans les transports et se taper un travail de recherche tout le reste du temps, ce n’est possible que si l’on évite le couplet : « il faut se battre dans la vie » !

Ed – Mouais… quel connard ton directeur de recherches !

Anna, surgissant du bureau de monsieur Dufour – Quoi ? Tu arrêtes ta thèse, Tony ?

Tony, la mine défaite – Oui… j’ai pas vraiment le choix !

Anna – Tu fais une connerie ! Tu vas le regretter toute ta vie !

Monsieur Dufour, entrant dans la vie scolaire – Vous avez vu ma collègue ?

Ed – Non…

Monsieur Dufour – Bon, je vais au conseil de discipline de Thibaud, Antoine et Alexandre… si vous la voyez, dites lui que je suis en salle audio et que j’ai besoin de son dossier sur Antoine et Alexandre !

Ed – Son dossier ?

Monsieur Dufour – Oui ! Elle a noté quelques uns de leurs antécédents familiaux ! On va essayer de les faire valoir en espérant qu’ils ne se fassent pas trop massacrer !

Ed – Ca changera, un peu ! D’habitude on a peur que ce soit eux qui massacrent quelqu’un !

Monsieur Dufour, agacé – Non, alors on ne va pas commencer comme ça ! Je dois déjà me farcir des gens qui n’en ont rien à faire de l’avenir de ces gosses, alors si je dois aussi me battre contre la vie scolaire, moi je dis que je ferais mieux de changer de métier !

Ed – Je suis désolé mais j’ai quand même le droit de dire que d’ordinaire ce sont ces cons qui posent problème !

Monsieur Dufour – Justement et moi je suis légitime quand je vous dis que ces gamins, je les connais, qu’ils ne sont peut être pas faciles et que ce n’est pas en se faisant taper dessus par tous ceux qui ont plus de vingt cinq ans qu’ils vont s’améliorer !

Ed – Moi je vais vous dire un truc : vous ne vous les coltinez pas à longueur de temps comme nous ! C’est facile pour vous de dire qu’ils ont bon fond ! Ils nous traitent d’enculé et quand ils sont devant vous ils jouent les penauds pleins de remords !

Monsieur Dufour – Eh bien moi je dis que s’ils en viennent à de telles extrémités, ce n’est pas sans raison !

Anna – Monsieur Dufour, franchement ! Vous savez très bien que des élèves comme Alexandre n’ont pas besoin d’être poussés à bout pour déraper !

Monsieur Dufour – C’est peut être le signe de quelque chose qui ne va pas ! Mais ça, on ne peut pas le savoir tant qu’on se contente de démolir des enfants sous prétexte qu’ils ont été grossiers avec des adultes !

Ed – Vous plaisantez, là ! Toutes les règles que vous nous pondez, du genre « il faut interdire l’accès aux toilettes à la première sonnerie » ou je ne sais plus quoi d’autre, c’est nous qui les appliquons et c’est souvent à cause de ce genre de détail qu’on en vient à des situations invraisemblables ! Alors ne venez pas me dire que ces merdeux pètent leur câble parce qu’on leur met trop la pression…

Monsieur Dufour – Je vais vous dire quelque chose : la semaine dernière, on a passé Johnny et Ludovic en conseil de discipline. Leurs parents ne sont même pas venus ! Johnny nous a même dit que si ses parents s’occupaient un peu de lui, il ferait sans doute moins de bêtises ! Eh bien, moi je dis que maintenant qu’ils sont virés, ils n’ont plus aucun filet de protection ! On ne peut pas se contenter de faire de l’instruction à l’école ! Je vous rappelle que notre corps a pour nom « éducation nationale » ! Je suis CPE, j’ai dix ans de métier et je ne suis pas ici pour payer mes études !

Ed – Je n’ai peut être pas la vocation !ais je n’ai pas à chausser de lunettes : je vois ce qui se passe et quand j’entends des parents me dire qu’ils ont peur en laissant leurs drôles à l’école, je me demande si nous faisons vraiment notre boulot !

Monsieur Dufour – Bon, je crois qu’on va arrêter cette discussion là ! Je suis en salle audio, j’attends madame Sauzéon !

Ed – Putain, il me gave quand il joue les assistantes sociales !

Anna – Moi je le comprends…

Ed – Non mais c’est bon ! Si ça vous chante de vous faire insulter par des petits connards, tant mieux mais moi je ne suis pas une fiotte qui se demande si se défendre est moralement répréhensible !

Anna – T’en as peut être rien à foutre des gamins qui n’ont pas eu la chance d’avoir une vie décente mais…

Tony, tentant de faire diversion – Bon, il est midi et demi ! Je vais ouvrir le portail…

Ed – Je viens avec toi !

Tony, sortant de la vie scolaire – J’en ai marre de ces histoires !

Ed – Et moi j’en ai marre de cette morale à deux balles ! Non mais c’est fou : on ne peut pas dire ce qu’on pense au nom de la bienséance… Tiens ! Regarde-moi l’autre con, qui attend au portail !

Tony – C’est qui ?

Ed – Johnny ! Il a vraiment rien d’autre à foutre !

Tony, ouvrant le portail – Bonjour Johnny !

Johnny, visiblement excité – Toi, j’t’encule !

Tony – Johnny, quoi que tu penses de ton expulsion, nous on n’y est pour rien !

Johnny – Toi ta gueule ou j’vais t’taper ! – Puis à Ed – Et toi, là ! Viens t’a battr’ fils de pute !

Ed – T’as dit quoi, là, mongole ?

Johnny – Viens t’a battre !

Tony – Allez, ça suffit comme ça !

Johnny – Qu’est-c’que t’as, toi, tête de mort !

Tony, essayant de raisonner Ed – Arrête, il est dans la provoc ! Te laisse pas embobiner !

Ed – J’en ai rien à foutre qu’il soit mineur ! Il va prendre ma main dans la gueule, ca va être vite réglé !

Johnny – J’va chercher mes frères ! On va t’niquer tête de mort !

Tony, à Vincent qui assistait en spectateur à l’accrochage – Vincent ! Va me chercher un CPE ou le principal s’il-te-plaît !

Vincent – Pourquoi ?

Tony – Vincent ! Vas-y vite ! Tu vois bien que ça va dégénérer !

Vincent – Ouais… mais j’ai pas envie d’y aller ! C’est loin !

Tony – Putain ! Laisse tomber, je me démerde ! Mais en attendant tu dégages, tu n’as rien à faire dans le parking à vélo !

Ed, sortant son portable – Ok, j’appelle la secrétaire et je lui dis de téléphoner aux flics ! On va voir si tu fais le malin avec eux !

Johnny – J’les nique, moi, les flics !

Tony, fermant le portail – Allez, on ferme !

Johnny, à grands coups de pied dans le portail – Nan ! Ferm’pas !

Tony, poussant violement le portail – Putain ! Tu fais chier Johnny !

Johnny, à grands coups de pied – T’es mort, toi ! Je vais venir !

Tony, inhabituellement vindicatif – C’est ça ! Que je te vois te radiner !

Ed, remettant son portable dans sa poche – Ca ne répond pas, évidement !

Johnny, à Ed – Allez, envoi tes flics que j’les nique !

Ed – Va chier !

Johnny, à coups de poing dans le portail – Allez, viendez vous battre !

Tony – On va au secrétariat signaler ce qui vient de se passer !

Ed – Il n’était pas là Dufour avec ses théories fumeuses !

Tony – Laisse tomber ! Vous n’avez pas les mêmes points de vue, c’est tout !

Ed, entrant dans le secrétariat, à monsieur Vandeputte, le principal adjoint – Ah ! Vous tombez bien ! On vient de se faire insulter par Johnny ! Je voulais avertir…

Monsieur Vandeputte – Mais vous n’avez pas autorité pour appeler la police !

Ed, sur la défensive – Je n’ai pas parlé de police !

Monsieur Vandeputte – Ecoutez, on ne va pas faire des histoires pour rien du tout ! Je n’ai pas envie que les parents d’élèves pensent que le collège est mal famé sous prétexte que vous ne savez pas gérer des difficultés à la sortie de l’établissement !

 



22/01/2010
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