SEVICE PUBLIC

3. « LE PASSAGE », part two.






Tony sortit du secrétariat et se dirigea vers les toilettes, à deux pas de là. Il entra dans un petit vestibule commun. Il ouvrit la porte des « commodités hommes » et fut écœuré par la pestilence qui s’en dégagea : vu l’odeur, un gars avait du avoir la colique, mais Tony avait une redoutable envie d’uriner ; il se résolut, le nez enfoncé dans l’encolure du son gros pull, à entrer. Il s’aperçu en fermant la porte à clé que l’odeur de crotte traversait les mailles de son tricot pour venir refouler les effluves de son parfum « Amen ». Le mélange sucré/caca était d’ailleurs pire que la puanteur elle-même. Tony finit de faire pipi en emplissant le moins possible ses poumons lors de ses rares inspirations puis sortit, au bord de l’asphyxie. Serge, le monsieur de l’accueil entra au même moment : il serra la main à Tony.

« Salut Tony, tu vas bien ?

- Bien et toi ? - Tony fut comme pétrifié à l’idée que ce bon gars lui impute l’odeur de vache pourrie qui empuantissait le vestibule.

- Dis donc Tony – dit-il avec l’air moqueur – la porte des toilettes des dames a beau être grande ouverte, je ne pense pas que l’odeur vienne de là ! Je vais peut être attendre une petite heure avant de faire pipi ! – Et il sortit en disant à un prof que ce n’était surtout pas le moment de rentrer, sauf à vouloir se suicider.

En sortant Tony se cassa le pif sur Johanna :

- Ah, t’es là, je te cherchais ! C’est l’heure d’aller au passage… tu y vas ? Je vais faire pipi et je te rejoins !

- Oh putain ! - pensa-t-il à voix haute - elle va croire que c’est moi qui pue comme ça !

Tony arriva dans le hall, là où se faisait le fameux « passage » : il fut médusé de voir des gamins de tous niveaux hurler, se bousculer, voire de se battre pour aller bouffer. Il se mit à la limite du hall et du couloir qui menait au réfectoire et aperçu Anna qui cria, de loin :

- Bon, qu’est-ce que tu fais ? Tu les envois ?

Tony – J’attends Johanna pour qu’elle me montre comment on fait !

Johanna – Ca y est, je suis là ! Eh, calmez-vous un peu, les sixièmes ! Dis donc Tony, faut avoir du courage pour passer derrière toi aux toilettes ! – En plus de piquer un fard, Tony fut la risée des petits sixièmes.

Le petit Mike – Ah, c’est gavé la tehon !

Deux autres monstres – Gavé !

Johanna – Bon, rangez-vous et je ne veux voir que des sixièmes dans le rang, les autres vont dehors pour l’instant ! – A Tony - Bon, tu vois ce qu’il faut faire ? Après tu vérifies qu’ils aient tous leurs cartes de réfectoire et si l’un d’eux l’a oubliée, tu le renvoies dehors, il passera à la toute fin du service.

Tony – D’accord, je vois…

Johanna – Va contrôler les élèves dans le rang pendant que moi je reste là !

Tony s’exécuta – Allez, montrez-moi vos cartes de cantine…

Les monstres – Ah, il a dit cantine…ah ah ah ah, cantine ! Ah c’est gavé la tehon !

Tony, agacé – Non, mais arrêtez de rire de n’importe quoi ! En plus, cette façon de parler qui ne ressemble à rien…

Le petit Mike – Comment ça ?

Tony, croyant avoir réveillé des consciences – Mais oui, votre « gavé », non seulement c’est vilain au possible mais en plus …

Le petit Mike – Au quoi ? Tu parles comme un bourge toi !

Tony, dépité – Bon, allez, laisse tomber ! – Il revenait aux cotés de Johanna quand il aperçu Alexandre dans le rang des petits.

Tony – Alexandre, ce n’est pas la peine de fléchir les genoux, je vois très bien que tu n’es pas en sixième.

Alexandre – Mais si je suis en sixième – dit-il en ricanant comme une hyène.

Johanna – Allez, sort Alexandre, tu nous fais le coup tous les jours !

Alexandre – Tu vas pas faire comme Ben, toi t’es sympa ! – Avec hypocrisie, bien sur !

Tony – Arrête de m’appeler comme ça !

Alexandre, l’air hostile – Quoi ? Ben ?

Tony – Oui !

Alexandre – Ben, Ben !

Tony – Arrête ! Je ne te manque pas de respect, moi !

Alexandre – Je ne te manque pas de respect Ben !

Tony, faisant tout pour garder son sang froid – S’il-te-plait, Alexandre, cesse de me nommer ainsi !

Alexandre, s’approchant du surveillant – Pourquoi ? Tu vas faire quoi si je continue, Ben ? Hein, Ben! Ben, Ben, Ben, Ben, Ben!

Tony, hors de lui – Tu m’appelles encore une fois comme ça et je te fous un coup de boule, c’est clair ou tu veux que j’aille te chercher une torche ? – Alexandre fit une grimace d’étonnement et partit aussi sec du hall.

Johanna, l’air horrifié mais moralisateur – Non, mais ça ne va pas ? Qu’est-ce qui te prend de parler comme ça à un élève ?

Tony, gêné – Non mais il me provoque depuis le premier jour que je suis là !

Johanna – D’accord, mais c’est toi l’adulte ! Il ne faut jamais manquer de respect à un enfant ! Ok, Alexandre est taquin…

Tony – Taquin ? Il m’a traité deux fois d’enculé ! Moi je trouve que cela ne relève pas vraiment de la taquinerie ! Et puis son numéro, là !

Un élève, dans le rang – Qui c’est qui t’a traité d’enculé ?

Tony, énervé – Occupe-toi de tes affaires, je te prie !

Johanna – Non mais ce n’est pas la peine de t’en prendre à lui ! – Puis, pleine de mansuétude, à l’élève - Vas-y, passe, vas au réfectoire !

Madame Bretelle, la directrice des SEGPA, arrivant avec le fameux Alexandre dans ses jupons – Tony, je peux vous parler, un instant ?

Tony – J’arrive… - Son début de dispute avec Johanna ne lui avait pas laissé le temps de penser aux possibles conséquences de son dérapage verbal, il n’avait donc pas eu le temps d’avoir la trouille ; la sensation de chiasse se fit durement rappeler à lui – Qu’y a t il, madame Bretelle ?

Madame Bretelle – Alexandre, va avec Johanna! Bon, cet élève est venu me voir pour me dire que vous l’aviez menacé de lui mettre un coup de tête dans la figure !

Tony, pourtant sincère – Non, mais c’est une façon de parler, je ne l’aurais jamais fait…

Madame Bretelle – Ce n’est pas une bonne façon de parler à des enfants, même si vous avez l’impression qu’ils vous provoquent. Il a peur maintenant et je crois que l’école est le lieu où on doit l’aider à grandir cet enfant, pas l’endroit où on doit lui faire peur !

Tony – Attendez, il m’a énervé, c’est tout ! Je ne me serais jamais abaissé à faire ça !

Madame Bretelle – Abaissé ?

Tony, essayant désespérément de faire diversion avec un peu d’humour – Ben oui, pour lui mettre ma tête dans le pif, il faudrait que je me mette à genoux !

Madame Bretelle, très sèche – Tony, je n’aime pas trop la plaisanterie sur la maltraitance des enfants !

Tony – Excusez-moi !

Madame Bretelle – Je ne veux plus que ça se reproduise, d’accord ?

Tony – D’accord, encore désolé !

En revenant auprès deJohanna, Tony s’aperçut qu’Alexandre était resté à faible distance, de sorte qu’il l’avait entendu s’aplatir comme une carpette. Il eut la haine !

Alexandre – Bretelle, elle t’a mit gavé la race !

Anna – Que se passe-t-il Tony ? Va manger Alexandre, mais je te préviens que la prochaine fois tu attendras comme tout le monde ! – L’élève parti au réfectoire en narguant Tony.

Tony – Il se passe qu’il m’a manqué de respect et que suite à ça, j’ai dérapé verbalement… mais tu n’es plus à la borne ?

Anna – Céd m’a relayé ! Bretelle est venu te voir pour cette histoire ?

Tony – Ouais, elle m’a fait un laïus sur le respect…

Anna – Elle a bonne mine ! Elle a tarté un élève le mois dernier parce qu’il lui avait pété sous le nez !



15/07/2009
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres