7. LE RETOUR DU JEUDI.
Tony consultait sa messagerie électronique bien avant l'heure d'embauche (ah ! la souplesse des transports publics !) quand il fut tiré de sa torpeur par une voix inhabituelle : une dame parlait avec monsieur Dufour qui paraissait la connaître…
Monsieur Dufour – Alors Françoise, ces bras ?
Madame Sauzéon – Eh bien écoute…le droit va mieux mais le gauche…
Monsieur Dufour – Tu as encore des examens à faire ?
Madame Sauzéon – Une visite de contrôle dans quinze jours…Sinon, comment ça se passe ?
Monsieur Dufour – Bien…on a recruté un nouvel assistant d'éducation…il doit être ici, d'ailleurs !
Madame Sauzéon, étonnée – Et pourquoi il serait déjà ici ? Il n'est que sept heures et demi !
Monsieur Dufour, dans un éclat de rire – Oh ! A cause des horaires du bus qui ne sont pas pratiques, il préfère vivre ici !
Madame Sauzéon, dubitative – Mais qu'est-ce que tu me racontes, là ?
Monsieur Dufour, ouvrant la porte de la vie scolaire – Tiens ! Qu'est-ce que je te disais ?
Tony, gêné – Bonjour…je m'appelle Tony !
Madame Sauzéon, un peu étonnée – Bonjour…je suis
Monsieur Vandeputte, entrant dans la vie scolaire – Bonjour Françoise ! Comment vas- tu ?
Madame Sauzéon – Bien merci…et toi ?
Monsieur Vandeputte – Bon, il va falloir s'y remettre maintenant que tu vas mieux ! Tu viens me voir dans mon bureau ?
Madame Sauzéon, avec une tête d'enterrement agacée – Pourquoi tu me dis ça ?
Monsieur Vandeputte, sentant venir le vent – Ne le prend pas mal mais à cause de ton absence…
Madame Sauzéon – Voilà, ça commence ! Je suis à peine arrivée que tu me fais des remarques !
Monsieur Vandeputte – Ne le prend pas comme ça…
Madame Sauzéon, sèche – J'arrive…le temps de poser mes affaires ! Ca ira comme ça ?
Monsieur Dufour, à Tony, étonné de la scène – Ne vous inquiétez pas…vous finirez par comprendre la teneur de certaines relations, ici !
Tony, hébété – Ah…
Anna, entrant à son tour – Salut Tony ! Ca va ?
Tony – Oui…
Maria, plus sèche que jamais – Bonjour !
Anna – Et bien ! On peut dire que tu es avenante, toi !
Maria, très irritée – Quoi ? Y'a un problème ?
Anna – Non…je dis juste que tu es désagréable…excuse moi, mais quand on voit comment tu entres…
Maria – Oh mais c'est bon, là ! Ca me fout les boules que Sauzéon revienne demain, c'est tout !
Tony, vaguement hésitant – Euh…elle est arrivée ce matin…je crois !
Maria, plus effrayante que jamais – Quoi ? Non mais tu déconnes, là ?
Tony, penaud – Euh…non…
Anna – Elle a du reprendre avant la fin de son ITT !
Maria – Putain ! Ca me casse les couilles ! Qu'est-ce qu'elle fout à venir nous faire chier alors qu'elle pourrait rester dans sa maison de retraite !
Tony, naïf – Mais…je croyais qu’elle s’était cassé les deux bras…
Maria, haineuse – Quelqu’un t’as parlé, à toi ?
Anna – Tu exagères, Maria ! C'est vrai qu'elle est un peu particulière mais elle est plutôt sympa, quand même !
Maria – Tu prends sa défense ?
Monsieur Dufour, revenu d'on ne sait où – Quoi ? Vous n'êtes que trois ce matin ?
Anna – Johanna aura un peu de retard…elle a eu un problème avec sa voiture…
Monsieur Dufour – Ok ! Tony, vous allez ouvrir le portail ?
Tony – Oui…
En arrivant au portail, Tony eu la désagréable surprise de voir que les élèves étaient assez cons pour se fritter la gueule avant même d'être entrés dans le collège. Un SEGPA, Quentin, avait collé un coup de poing dans la tronche d'un autre SEGPA, Jérôme.
Tony, agacé – Je peux savoir pourquoi tu l'as frappé ?
Quentin – J'en ai marre…il fait que m'insulter…
Tony – On vous le dit à longueur de temps : en cas de problème, venez nous voir ! Là, je vais être obligé de te sanctionner !
Quentin – Mais il arrête pas de dire que ma mère se fait enculer par des gitans !
Tony, regardant Jérôme – Quoi ?...Comment veux-tu que les choses ne tournent pas mal ?
Jérôme – Ben quoi ?...C'est vrai !
Quentin, à Tony – Tu vois ? Je dois supporter ça ! C'est ma mère quand même !
Madame Bretelle, d'un pas décidé – Qu'est-ce qui se passe ici ?
Tony – Quentin et Jérôme ont eu une altercation parce…
Madame Bretelle, à Quentin – Tu l'as frappé ?
Quentin – Oui…il arrête pas d'insulter ma mère…
Madame Bretelle, gueulant plus fort que jamais – Tu n'as pas à régler tes problèmes comme ça !
Quentin – Je suis désolé madame mais il a pas à dire que ma mère se fait enculer par des gitans…
Madame Bretelle, encore plus offensive – Je ne veux pas savoir ! Non mais tu te crois où pour te permettre de te justifier ? Si je te dis que tu n'as pas à frapper quelqu'un, tu te tais !
Quentin – …
Madame Bretelle – En plus, ce sont des choses que l'on dit pour provoquer seulement ! Il ne faut pas les prendre au pied de la lettre ! Tu le sais très bien ! Et puis, au-delà du gros mot, je te fais remarquer qu'avoir des relations avec des gens du voyage n'est pas un crime ! Il faudrait peut être que tu revois un peu tes préjugés !
Quentin - …
Madame Bretelle – Alors je vais te mettre en retenue pour les deux prochains mercredi après-midi et je vais appeler ta mère pour l'en informer ! Et je te préviens : la prochaine fois, tu passes en commission disciplinaire ! C'est compris ?
Quentin, dépité – Oui.
Madame Bretelle, à Tony – Et si les élèves étaient un peu mieux surveillés, ce genre de chose n'arriverait pas !
Tony – Mais…je ne pouvais pas être là avant l'heure de l'ouverture !...
Madame Bretelle – Oui ! De toute façon, vous avez toujours une bonne raison !...
Tony, sur le chemin de la vie scolaire, pour lui-même – Purée mais elle se prend pour qui Bretelle ? Elle n'est que directrice des SEGPA, après tout ! Je ne vois pas pourquoi elle nous fait des remarques à longueur de temps ! Alors entre elle et Maria qui se prend pour un CPE sous prétexte qu'elle la remplace…
Emilie, une élève de troisième, au moment où Tony entre dans la vie scolaire – Tony…
Tony – Quoi ?
Emilie – Lisa s'est faite virer de cours ! Je fais quoi ?
Tony – Pourquoi elle s'est faite virer ?
Lisa – Mais c'est le prof ! Il m'aime pas de toute façon !
Tony – Lisa ! Le prof n'est pas payé pour t'aimer ! Et s'il t'as virée, c'est sans doute parce que tu as fait quelque chose…
Emilie – Je peux remonter en cours ?
Tony – Lisa ! Tu ne veux pas me dire ce que tu as fait ?
Lisa, s'entêtant – C'est un connard de toute façon !
Tony – Emilie…tu me dis ce qui s'est passé ?
Emilie – Pff ! J'ai pas envie de me mêler à ça, moi !
Tony, ferme – Dis moi ce qui s'est passé !
Emilie – Bon ! On regarde un documentaire en histoire avec le prof. C'est sur les camps de concentration…y'a plein d'élèves qui se marrent et qui mettent le bazar…
Tony, indigné – Non ! Tu plaisantes là !
Emilie, innocente – Non…
Lisa – Tu vois Tony ! Tout le monde fout le bordel et c'est moi qui prends !
Emilie – Attend Lisa ! Avec ce que tu as dit…c'est normal que le prof t'ait virée !
Tony – Elle a dit quoi ?
Emilie – Ben…ça m'embête un peu de le dire…
Tony, à Lisa – T'as dit quoi ?
Lisa, énervée – Oh, c'est bon ! Y'avait un mec à poil hyper maigre…et j'ai dit qu'avec la bite qu'il a, il risque pas de niquer une meuf ! Et puis tout le monde a rigolé…
Tony, bouleversé – Mais tu es folle ! Tu sais ce que représentent les camps de la mort ?
Lisa, à côté de la plaque – Putain mais c'est pas de ma faute s'il a une toute petite bite !