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4. Un ANPE-chement !




4. Un ANPE-chement !

 

 JEUDI 4 SEPTEMBRE.

 

 

Johanna, aux anges – Je ne savais pas que Ludovic était réintégré !

Anna, le croissant dans le café – Oui… madame Bretelle est venue nous le dire il y a quelques jours… Elle veut lui redonner une chance…

Ed, la mine défaite par l’exaspération – Mouais… Jusqu’à ce qu’il refasse le con !

Johanna, un peu moins aux anges – Si on commence d’emblée à le considérer comme un délinquant, c’est sûr ! Il finira par se comporter comme un délinquant !

Anna, penaude – Il faut peut-être lui laisser une chance…

Ed – Ah ! Mais moi je veux bien lui laisser toutes les chances que tu veux ! C’est pas moi qui décide de toute façon !

Johanna, les narines gonflées – Mais tu ne comprends pas que c’est parce que vous lui avez collé une étiquette sur le dos qu’il a fini par dérailler, l’an dernier ?...

Ed, le ton haut – Mais je ne lui ai rien collé nulle part, moi ! Il faisait le con, c’est tout ! Et puis vous me faites bien marrer, quand même, avec vos théories à la noix ! Parce qu’à supposer qu’on colle une étiquette à un élève lambda, comme tu dis, imaginer qu’il va adopter nécessairement l’attitude correspondante relève un peu de la fable !

Johanna, s’emportant à son tour – Non mais tu n’es pas sociologue ou pédagogue, que je saches ! Moi j’ai lu un tas de bouquins sur les enfants et les adolescents et oui ! Ils agissent comme on l’attend d’eux !

Ed, postillons hors du museau – Pff… N’importe quoi ! Vous voulez excuser un comportement merdique, donc vous faites d’une excuse une cause ! Rien de plus !

Johanna, d’un coup sur la table – Les adultes sont comme des miroirs pour les ados ! Tu peux le comprendre, ça ?

Ed, dans un mélange de colère et d’ironie – Ah ouais ? Alors si je suis ton raisonnement, je ne dois pas dire d’un ado qu’il est un enculé sous peine d’en faire un inverti !

Anna, outrée – Bon… je vais fumer une cloppe…

Ed, toujours à Johanna – Et puis explique-moi une chose : comment se fait il, si nous sommes des miroirs, que quand on attend d’eux qu’ils se comportent bien on n’obtient rien de bon ? Pourtant, quand on ne les connaît pas, il n’y a pas d’étiquette qui tienne, il me semble…

Johanna, interrompant son interlocuteur – Allez, c’est bon ! Je vais m’en fumer une, moi aussi ! Ca vaut mieux !

Ed, à Tony, pinqué sur son ordinateur – En voilà de la bonne foi ! Elle m’accuse d’un mal sans aucun argument et quand elle n’a plus rien à dire, elle se barre !... Non, mais tu le crois, ça ?

Tony, préoccupé par autre chose – Zut !

Ed, étonné – Ben c’est charmant !

Tony – Pardon ? Non ! Ca ne s’adresse pas à toi !...

Ed, rassuré – Ah bon ! Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Tony – Il arrive que j’en ai assez que tout aille mal !

Ed – C’est un boulot de merde de toute façon !

Tony, vindicatif – Non, c’est pas ça ! La semaine dernière je suis allé aux ASSEDIC leur demander quels étaient mes droits en cas de démission : ils m’ont gentiment répondu d’aller voir sur leur site internet et, au besoin, de leur poser des questions par mél. Ce que j’ai fait. Et non seulement il leur faut une semaine pour me répondre mais en plus ils me renvoient mon propre courrier en guise de réponse !

Ed, étonné – Comment ça ?

Tony – Ces andouilles m’ont renvoyé mon propre courrier! Ils se moquent du monde, nom de nom !

Ed, plein de prévenance – Je ne veux pas te démoraliser mais normalement, en cas de démission, tu n’as pas droit au chômage.

Tony – Tu en es sûr ?

Ed – Oui, oui… c’est sûr !

Tony – Merci ! Heureusement que les ASSEDIC sont là pour nous aider ! Bon… je vais voir ce que me dit l’ANPE…

Ed, sans illusions – A propos de ?...

Tony – Juste après être allé aux ASSEDIC, je suis allé demander conseil à l’ANPE pour savoir s’il était possible d’être inscrit comme chercheur d’emploi en dépit du fait que je suis en CDD… c’est surtout pour éviter de perdre du temps dans ma recherche d’emploi…

Ed – D’accord.

Tony, après un temps de lecture – Et merde !

Ed – Quoi ?

Tony, rageur – C’est bien l’ANPE, ça ! Je suis allé les voir pour un conseil ! Ils m’ont dit d’aller sur leur site internet pour trouver les informations ! Et comme je ne les trouvais pas, je leur ai écrit un mél pour prendre rendez-vous ! Et devine quoi ? Ils me répondent d’aller à mon agence la plus proche pour prendre rendez-vous !

Ed, mal à l’aise – Euh…

Tony – Merde, merde et merde ! Ils ne pouvaient pas me donner directement un rendez-vous au lieu de me faire perdre du temps ! C’est pas vrai !

Ed – Ce sont des incapables, Tony ! Arrête de t’énerver comme ça, ça ne sert à rien !

Tony, furieux – Mais j’ai fait tout ce que je pouvais pour changer rapidement de travail et de report en demande de rendez-vous, ils ont réussi à me faire perdre tout mon temps ! Tout ça pour me retrouver dans ce collège de merde ! Je ne peux pas démissionner ! Je vais devoir me coltiner ce job un an de plus ! J’en ai marre, tu comprends ?

Un élève, entrant dans la vie scolaire – Un carnet de correspondance !

Tony, encore sous le coup de la colère – Pardon ?!

L’élève – Un carnet de correspondance!

Tony – Pardon ?

Ed, à l’élève bouche bée – Non mais tu peux pas nous parler correctement ? Tu entres ici : ni « bonjour », ni « merde »… on a des têtes de chien ou quoi ?

L’élève, un peu moqué – Euh…

Ed, amusé – Fais gaffe à ce que tu vas dire !

L’élève – Non, non ! C’est pas ça… c’est mon prof qui m’envoie pour un carnet…

Ed – Ca ne change rien à l’affaire, que ce soit ton prof ou le pape qui t’envoie ici ! Nous, on te demande de nous demander les choses correctement, c’est tout !

L’élève – Euh… je peux avoir un carnet de correspondance ?

Ed, regardant Tony – Mouais… s’il-vous-plaît, quoi !

Tony, défait – Tu es externe ?

L’élève – Euh… oui…

Tony, se saisissant d’un carnet et d’une couverture pour le protéger – En quelle salle es-tu ?

L’élève – Je sais pas…

Tony, étonné et agacé – Mais tu n’es pas monté en classe, déjà ?

L’élève – Si, mais je sais pas ma classe parce que j’ai pas regardé le nombre de la porte !

Tony, résigné – Ta classe ?

L’élève, agacé – Mais je viens de te dire que je savais pas !

Tony, un regain de vivacité – Non, pas ta salle, mais ta classe ?

L’élève, un regard pour Ed, le nez plissé par l’incompréhension – Je comprends rien !

Ed – Sans blague ! Si tu me l’avais pas dit, j’ m’en serais pas aperçu, dis donc !

Tony, à l’élève – Ton niveau, c’est quoi ?

L’élève, toujours affublé d’une grimace d’incompréhension -

Tony – Tu es en quatrième ?

L’élève, soudain traversé par une lueur de compréhension – Ah oui ! Je suis en 4A !

Ed, cynique – Eh ben… c’est pas trop tôt !

Tony, jetant un œil à l’emploi du temps des classes – Bon… tu es en sale 306. Remonte en cours et dis à ton professeur de me ramener le carnet de correspondance qu’elle a en trop.

L’élève, toujours affublé d’une insupportable grimace d’étonnement – Quel carnet ?

Tony – Pff... Le carnet de demi-pensionnaire qu’on a mis dans ta classe…

L’élève – Je comprends pas !

Ed – Mais on s’en fout ! Dis juste à ton prof qu’il nous ramène les carnets qui lui restent sur les bras !

L’élève – Sur les bras ?...

Ed, emporté – Mais tu le fais exprès ou quoi ?

Tony – On a mis un carnet par élève dans ta classe. Puisque tu es venu en changer, il en reste un de trop. Tu comprends ? Tu es venu chercher un carnet d’externe, donc il reste un carnet de demi-pensionnaire qui ne sert à rien. Tu comprends ?

L’élève, à Tony – Ok ! Mais y’a un problème…

Tony – Quoi ?

L’élève, sentant venir la tempête – Ben… je me suis trompé avec mon prof! Je suis demi-pensionnaire !

Tony – Oh putain ! L’année va être longue !

 





25/02/2011
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