SEVICE PUBLIC

5. SIGMUND FRODE.





Tony savourait ce vendredi matin comme aucune autre journée de cette funeste semaine: il avait été décidé qu’il passerait le vendredi au bureau, à lister les absents et à téléphoner aux parents pour connaître le motif de l’absence des élèves. Il reportait des absences quand Anna proposa un café à Tony. Un élève, un petit manouche, entra, se planta devant le bureau de Tony et lui demanda :

- L’est o’vert l’ baby ? – Chose curieuse, le gamin levait le bras droit, comme pour un salut romain, avec la main tendue et tout le tralala.

- Quoi ? – Au départ, Tony regardait plus le geste qu’il n’écoutait la parole, à laquelle il n’entravait que dalle !

- L’est o’vert l’ baby ? – L’enfant levait le bras à chaque fois qu’il posait la même question incompréhensible…

- Quoi ? Je ne comprends pas !

- L’est o’vert l’baby ? – Toujours en levant le bras !

- Attends, parle moins vite et articule un peu s’il te plaît, parce que là, je ne comprends rien !

- L’est o’vert le baby ?

- Le baby ?...

- Ouais, l’est o’vert l’ baby ?

- « Il est ouvert le baby ? » Et puis arrête de lever le bras à chaque fois que tu me poses la question ! Ca veut dire quoi, çà, « il est ouvert le baby » ?

- J’ai la pièce…l’est o’vert l’ baby ?

- Le baby…Tu veux savoir si le foyer est ouvert ?

- Ouais !

- Et si tu le disais ! Je ne sais pas s’il est ouvert, moi, le foyer ! Je suis bloqué ici depuis ce matin ! Va voir s’il est…

- Mange tes morts ! – Le petit enfant sortit illico.

- Non mais je rêve ! Là il articule !

Anna, qui avait assisté à la chose – Oh arrête il est tout mignon !

Johanna, sortie d’on ne sait où – Qui ça ?

Anna – Le petit Ludovic !

Johanna – Qui ?

Anna – Tu sais, celui qui a dit « mange tes morts » à Dufour…

Johanna – Ah oui ! Je le trouve trop marrant ce cinquième…

Tony – Ouais, il m’a quand même mal parlé…

Johanna – Tony, est-ce que tu peux m’appeler au micro Mickael Panko et l’envoyer au secrétariat ?

Tony – Mickael ?...

Johanna – Tu sais bien, le garçon qui vit en maison d’accueil…

Tony, sceptique – Ce n’est pas Matheus ?

Johanna, regardant Anna avec un regard complice et inquiet, comme si Tony avait ouvert la boîte de Pandore – Non…mais il ne veut pas qu’on l’appelle Mathéus ! Il a honte de son prénom !

Anna – Il préfère qu’on l’appelle Mickael…mais ne le dis pas aux autres surtout !

Tony – Quoi donc ?

Johanna – Non, mais il faut dire aux autres que Mickael est son second prénom !

Anna, toute chose – Il est trop mignon !

Tony – Qui ?

Johanna – Dommage qu’il n’ait que quinze ans ! – dit-elle l’air tout à coup très coquin.

Tony – Quoi ?

Anna – Ouais…enfin, y’a pas de crime à le trouver beau garçon, pour son âge !

Johanna – Remarque, moi à son âge, je rêvais qu’un adulte me fasse découvrir certaines choses ! Peut être que lui…c’est pareil !

Anna, sous le regard dubitatif de Tony – De toute façon, ce n’est pas criminel tant que tu ne le violes pas !

Tony – Enfin ! Il a quinze ans, quand même !

Johanna – Ce que veut dire Anna, c’est que faire découvrir ces choses là, quand les deux sont librement consentants, ce n’est pas non plus un truc horrible ! La morale, c’est bon ! Ca allait il y a cinquante ans…

Anna, franche – Et puis ne me dis pas que tu n’as jamais trouvé une collégienne mignonne !

Tony – Ben pas vraiment…

Anna – Arrête ! Et la petite Emilie, celle de troisième que tu embêtais ce matin ! Ne me dis pas que tu ne la trouves pas mignonne !

Tony, éberlué – Non mais attends ! Ca n’a rien à voir ! Je me moquais d’elle parce que c’est une des rares que je connais et comme elle avait fait une faute de français…

Johanna – Tu vas nous dire que tu ne la trouves pas mignonne ?

Tony, combatif – Non ! Moi, j’aime les vraies femmes ! Alors pour ce qui est de plaire, à cet âge…

Johanna, haussant un ton polémique – Non mais arrête ! En plus t’es un homme !

Tony – Et alors ?

Johanna – Et alors, c’est bien connu ! Les hommes sont attirés par les jeunes filles ! Je ne vois pas pourquoi tu ferais exception à la règle !

Tony, estomaqué  – Quoi ?!

Anna, essayant de tempérer – Peut être pas tous, Johanna !

Johanna – Attends ! Moi je vois mon frère : il a beau avoir connu ma cousine quand elle était petite, maintenant qu’elle est ado, il la regarde avec d’autres yeux !

Anna – Ah ouais ? Ca craint !

Tony, dégoûté – Non mais tout le monde n’est pas comme ton frère ! Moi je vais très bien, merci !

Johanna – Ah, la « normalité » ! Mais ça n’existe pas, on est tous névrosé !

Tony – J’ai peut être des névroses mais je ne suis pas pédophile !

Johanna – Non, mais tu ne veux pas te l’avouer, c’est tout !

Tony – Mais punaise, si je te le dis !

Johanna, criant presque – Mais c’est inconscient !

Tony – Quoi ?

Johanna – Je ne dis pas que tu es attiré consciemment par les jeunes filles, seulement, sur le plan de l’inconscient, tu as des désirs refoulés !

Tony – Elle est forte celle-là !

Johanna, vexante – Mais arrête, tu n’es pas Freud que je sache !

Tony – Je suis désolé, mais je ne suis pas sûr que Freud ait fait de tous les hommes des pédophiles prêts à passer à l’acte au moindre raptus !

Johanna – Et qu’est-ce que tu en sais toi, avec ton intelligence artificielle! Tu ne sais pas ce qu’il y a dans ton inconscient ! Moi je peux te dire que tu refoules un tas de désirs que tu ne peux pas assouvir !

Tony – Non, mais non ! Je ne suis pas attiré par les petites filles, merde !

Johanna – Voilà, tu résistes !

Tony – Ah non, ne viens pas me dire que je résiste ! De toute façon, tu n’as pas de preuves pour l’étayer, ta théorie !

Johanna, haussant le ton – Ah mais ça fait mal de se voir dans un miroir !

Tony, essayant de se calmer – Bon allez ! Ce n’est pas la peine, de toute façon on ne pourra pas s’entendre !...

Johanna – Tu ne veux pas entendre parce qu’au fond tu es réac ! C’est tout !

Tony – Moi ? Réac ? Tout ça parce que je refuse que tu me dises ce que j’ai au fond de moi ?

Johanna – Mais tu n’y connais rien de toute façon ! Moi j’ai étudié, d’accord ? Et je peux te dire que les gars qui se comportent comme des salauds avec des gamines, ils sont tout à fait gentils au départ !

Tony – Tu me fais un procès d’intention, là ! Non mais je rêve, après ce que tu as dit de Mathéus Panko, tu viens me faire la leçon de morale comme quoi tous les mâles sont avides de chair fraîche !

Johanna – Mais tu ne comprends rien ! Ca n’a rien à voir…

Tony – Quoi, ce n’était pas une allusion cul, ce que tu disais ?…

Johanna, à deux doigts du pétage de câble – Les femmes ne commettent pas de viol, d’accord ! Alors tu te calmes ! Je n’aime pas ta façon de me parler !

Dufour, surgissant du néant – C’est dommage, moi j’aimerais bien qu’une femme me viole !



25/07/2009
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