SEVICE PUBLIC

63. Burnout 4. Acte I à III.




63. Burnout 4.

Acte I à III.

 

 

MERCREDI 13 MAI.

 

 

Acte I : 8H25.

Audrey courrait aussi vite qu’elle le pouvait en direction du portail quand elle trébucha sur une aspérité du goudron de la cour et qu’elle se vautra en s’arrachant la moitié de la paume des mains. Evidement, elle était au plus près du portail et tous les élèves attendaient qu’on leur ouvre : ils ricanèrent, firent la ola, ricanèrent encore et lancèrent quelques noms d’oiseaux (« Ah, ah ! Quelle  burne ! ») ; de son côté, ladite « burne », les mains saignantes à point, se relevait péniblement, grimaçante et jetant un regard sur les dégâts généreusement répartis entre ses mains, le genou de son pantalon explosé et les binocles à la ramasse.

Olaf – Regarde la grosse ! Elle s’est croutée !

Monsieur Vandeputte, accompagné de son roquet – Mais qu’est-ce que vous faites par terre ?

Audrey, grimace bien figée – Je suis tombée…

Monsieur Vandeputte – Et alors ? Ca vous empêche d’ouvrir à l’heure ? – La sonnerie retentit.

Madame Bretelle – Les élèves vont être en retard, là ! Non mais ce collège marche sur la tête !

Monsieur Vandeputte – Dépêchez-vous d’ouvrir ! Vous vous occuperez de vos mains après bon sang !

Madame Bretelle se baisse et ramasse la clé – Laisse ! Je vais m’en occuper !

Monsieur Vandeputte – Merci ! Moi, je vais à la vie scolaire ! Y’en a qui vont m’entendre ! – A Audrey – Et vous, allez aider madame Bretelle à ouvrir au lieu de vous rouler par terre !- Audrey va jusqu’au portail en boitant ; les élèves entrent dans un tohu-bohu pas permis : bousculade, moqueries à l’endroit d’Audrey, le tout, malgré les remontrances et les menaces de madame Bretelle.

Monsieur Vandeputte traverse la cour à grande vitesse et arrive à la vie scolaire – Où sont les CPE ?

Ed, occupé au bureau – Madame Sauzéon est…

Monsieur Vandeputte, agressif – Y’a pas moyen de mettre la main dessus bon sang !

Monsieur Dufour sort de son bureau – Qu’est-ce qui se passe ?

Monsieur Vandeputte – Il y a qu’il est huit heures et demi et que le portail n’est toujours pas ouvert ! Tu peux m’expliquer ce qui se passe ?

Monsieur Dufour – Alors d’abord tu vas me parler sur un autre ton parce que moi, là, ça va pas aller, hein ?

Monsieur Vandeputte – Pardon ? Tu te moques de moi ?

Monsieur Dufour – De quoi ?

Monsieur Vandeputte – Tu peux m’expliquer pourquoi le portail n’est pas ouvert à huit heures et demie ?

Monsieur Dufour – Alors écoute : moi, il me manque des surveillants et j’ai envoyé Audrey à huit heures dix, d’accord ? Si le portail n’est toujours pas ouvert, c’est pas à moi de t’expliquer le pourquoi du comment !

Monsieur Vandeputte – Et comment ça se fait que tu as des pions absents ?

Monsieur Dufour – Anne Marie et Gina sont en sortie parce que les profs ne veulent pas s’occuper de l’accompagnement dans la carrière ! Aurore prépare un devoir qu’elle doit surveiller et Anna est au secrétariat ! Tout le monde me réquisitionne des surveillants, comment veux tu que je fasse, moi, derrière ?

Monsieur Vandeputte – D’accord mais les autres ?

Monsieur Dufour – Eh bien Bastien me prépare le foyer pour la réunion avec le Conseil Général Jeune ; Ed est le seul à pouvoir s’occuper de l’appel, donc je le garde ici ! Et Tony est absent !

Monsieur vandeputte – Et pourquoi ça ?

Monsieur Dufour – J’en sais rien ! On n’a pas de nouvelles…

Monsieur Vadeputte – Non mais je rêve ! Qu’est-ce que c’est que ces pions qui sont absents sans motif !

Monsieur Dufour – Non mais arrête, là ! Il n’est jamais absent ! C’est la première fois qu’il est en retard ! S’il est pas là, c’est qu’il a eu un problème, c’est tout !

Monsieur Vandeputte – Moi, je te dis qu’il va y avoir du recadrage ! – Il sort de la vie scolaire.

Monsieur Dufour, à Ed – Il commence sérieusement à me faire chier celui-là ! – Il se calme – Toujours pas de nouvelles de Tony ?

Ed – Non… mais Julien arrive pour neuf heures, je crois.

 

Acte II : 7H05.

Tony avait la peur au ventre. Il allait à l’arrêt de bus. Et ne cessait de penser à sa journée de la veille. Il avait eu tous les casos de 16H00 à 17H00 en permanence et la chose avait mal tournée. Alexis avait été trop loin dans la provoc : et ça avait pété.

Monsieur Dufour avait du intervenir et, incapable de maîtriser Alexis, le mettre, à l’écart dans son bureau jusqu’à ce que le père vienne le chercher.

Evidement, à 17H15, Alexandre, son frère aîné, était venu menacer Tony alors seul à rester à attendre les derniers bus.

Tony, perdu dans ses pensées, entendit un vacarme d’enfer : un scooter s’était mangé le terre plein central sur lequel trônait un feu rouge. Le conducteur avait glissé de sa selle et s’était prit le guidon dans les boules. Tony l’observa un instant : le temps que des badauds prennent soin de l’infortuné motard. Tony, sous les regards des passants scandalisés par son inaction, se dit qu’après tout, personne n’était venu, la veille au soir, le tirer de son guêpier, et qu’il en allait de même pour aujourd’hui.

A l’approche de l’arrêt de bus, l’angoisse se fit plus pressante. Tony jeta un œil autour de lui. Il était perdu. Il pensa se faire mal : n’y avait-il pas un vélo à heurter de plein fouet ? Personne ! Une auto ? Pourvu qu’il y en ait une qui ne roule pas trop vite… Non ! Aucune à une vitesse acceptable. Il eu des sueurs.

Puis il prit une décision : faire demi-tour.

Il repartit en direction de son appartement. Sa fiancée ne comprendrait pas…

Il partit voir son médecin : sans rendez-vous, il était sûr d’en avoir pour la matinée. L’excuse était toute trouvée. Il se demanda de quoi il allait se plaindre mais il pensa qu’il avait tout le temps de trouver un motif ! Après tout, le mal de ventre ne serait pas vraiment un mensonge compte tenu de l’angoisse qui lui tordait les boyaux depuis la veille !

Il téléphona à Ed. Personne au bout du fil. Il laissa un message :

« Salut, c’est Tony… Euh… je vais pas bien… ouais, je crois que je suis malade… Euh je vais chez le médecin… Si tu peux prévenir les CPE… merci… allez, à plus ! »

Quand Tony se trouva en face de son médecin, il n’eut pas la force de mentir : il craqua. Et tout y passa : son boulot affreux, ses échecs de reconversion, tout. Le médecin, qui connaissait bien Tony ne voulut pas prendre de risques et l’arrêta pour deux semaines, arrêt renouvelable. Il diagnostiqua une déprime violente et craignait que la chose ne devienne une dépression en bonne et due forme. Tony devait se reposer à tout prix.

Tony rentra chez lui : sa fiancée était partie travailler. Il s’allongea. Et s’endormit.

 

Acte III : 8H05.

Monsieur Dufour – Salut Ed ! Ca va ?

Ed – Ca va et vous ?

Madame Montagné – Bonjour ! J’ai besoin de deux surveillants pour la sortie dans une carrière !

Monsieur Dufour – Comment ça tu as besoin de deux surveillants ?

Madame Montagné, hautaine – Ah ! Ecoute, c’est monsieur Vandeputte qui l’a dit !

Monsieur Dufour – Mais je m’en fous de ça ! Comment ça se fait que tu as besoin de mes surveillants ? Comment je fais, moi, ce matin ?

Madame Montagné – Ecoute Christian : moi, cette sortie, je l’ai déjà faite. J’ai rien à y gagner, il vaut mieux que ça profite à quelqu’un d’autre !

Monsieur Dufour – Je comprends ! D’autant qu’elle est payée au taux horaire normal !

Madame Montagné, gênée - Bon ? Mes élèves attendent devant le collège ! Moi, je vais en salle des profs corriger des copies…

Monsieur Dufour – Ah parce que ce sont tes élèves, en plus !

Ed – Merde !

Monsieur Dufour – Qu’est-ce qui vous arrive ? – Madame Montagné se carapate dehors pendant ce laps d’inattention.

Ed – J’ai oublié mon portable chez moi !

Monsieur Dufour – C’est pas grave, vous le retrouverez tout à l’heure en rentrant chez vous !

Ed – Ouais mais je voulais appeler Tony…

Monsieur Dufour – Eh ben faites le avec le fixe du collège.

Ed – Je peux pas, j’ai pas son numéro !

Monsieur Manin – Bonjour Christian !

Monsieur Dufour – Que puis-je pour t’être agréable ?

Monsieur Manin – Il me faudrait des surveillants pour surveiller un devoir que je voudrais donner à la moitié de ma classe !

Monsieur Dufour – Non mais c’est pas vrai, ça ! Vous vous êtes tous donné le mot ce matin ou quoi ?

Monsieur Manin – Non mais c’est monsieur Vandeputte qui m’a dit que je pouvais te prendre des surveillants ! J’y suis pour rien, moi !

Monsieur Dufour – T’y es pour rien ! T’y es pour rien ! C’est bien toi qui lui a demandé l’autorisation de me prendre des surveillants, non ?

Monsieur Manin – Oui mais c’est lui qui me l’a donnée !

 







25/05/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres