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63. Burnout 4. Acte IV à VI.




63. Burnout 4.

Acte IV à VI.

 

 

 

Acte IV : 8H10.

Bastien – Désolé pour le retard : y’a eu un accident sur la rocade…

Monsieur Dufour, paniqué – C’est bon : vous pouvez me ranger le foyer ? J’y ai une réunion tout à l’heure avec le Conseil Général Jeune ?

Bastien – Ok…

Monsieur Dufour – Y’a qui ce matin, à part vous, Ed ?

Ed regarde le planning – Euh… Anne Marie et Gina vont en sortie géologique… il nous reste Aurore et Audrey. Elles devraient pas tarder…

Monsieur Dufour – Ca va être l’heure d’ouvrir le portail et on est tout seul ! Merde à la fin !

Ed – Aurore passe par la rocade, il se peut qu’elle soit à la bourre à cause de l’accident !

Monsieur Dufour – Et l’autre, là ? La Audrey ? Elle habite juste à côté ! C’est pas un accident de rocade que je sache ! – Pour lui-même – C’est carrément elle l’accident, oui !

Audrey débarque enfin, la gueule enfarinée – Je suis en retard !

Monsieur Dufour – J’avais fait la déduction tout seul en regardant la pendule, vous savez ! – Elle tire une drôle de tronche – On peut savoir comment vous vous y prenez pour arriver en retard alors que vous habitez à cinq minutes du collège ?

Audrey – Je me suis pas réveillée…

Monsieur Dufour – Dépêchez-vous d’aller ouvrir le portail avant qu’on soit à la bourre !

Audrey – Mais j’ai eu mal au ventre toute la nuit et…

Monsieur Dufour – Non mais grouillez-vous ! J’en ai rien à cirer de vos petites histoires ! - Audrey sort de la vie scolaire visiblement vexée – Elle commence à me faire sacrément chier celle-là !

Ed – Bof… elle a un peu de mal… 

Monsieur Dufour – Un peu de mal ? C’est connerie sur connerie ! La semaine dernière, elle a laissé entrer un lycéen dans la cour pour qu’il puisse venir rouler une galoche à sa copine de cinquième !

Ed – Sans dec ?

Monsieur Dufour – Vous voyez : je l’ai embauchée parce que c’était la copine de ma fille mais franchement, je crois que c’est la première fois que je fais une erreur d’embauche comme celle là !

Ed – Bah… avec le temps, elle va s’y faire…

Monsieur Dufour – Non ! C’était déjà une feignasse quand elle était gosse ! Je vois qu’elle n’a pas changé depuis tout ce temps ! Elle ne va pas changer d’ici à juin !

Ed – Décidément, entre vous et madame Sauzéon, elle est pas à la fête !

Monsieur Dufour – Oui… je crois avoir compris qu’elle l’aimait pas trop…

Ed – On peut dire ça comme ça…

Monsieur Dufour, amusé – Pourquoi ? Y’aurait une autre façon ?

Ed, amusé aussi – Chais pas… Elle la conchie ?

 

Acte V : 8H11, dans la cour.

Audrey avait eu la cagade toute la nuit : une chougne de trop sans doute ! Elle avait passé la nuit blanche mais là n’était pas  le pire. Elle avait toujours la colique. Ce « con » de Dufour n’avait rien voulu écouter. Plus elle avançait dans la cour, plus son ventre gargouillait et menaçait de perdre de son étanchéité.

Elle se décida à bifurquer vers la première porte qui donnait sur le couloir. Ca pressait : elle s’enferma dans les toilettes-dame, eut à peine le temps de se défroquer et se lâcha si fort que le gars de l’accueil, Serge, entendit tout, lui qui venait chercher de l’eau pour ses fleurs. « Eh bien, j’ai de la chance, moi ! Chaque fois que je croise une dame dans les toilettes, je l’entends sous son plus mauvais jour ! »

Audrey fulminait : « Ben quoi ? On n’a pas le droit de chier, non ? »

Ca ne s’arrêtait plus. Elle avait beau regarder sa montre, le moment fatidique qui la séparait du retard ne cessait de se rapprocher dangereusement. 8H12 ; 8H13 ; 8H14 ; toujours le drame intestinal.

8H15 ! Ca y était ! Le moment fatidique venait de tomber ! Elle venait juste de se faire pourrir pour son retard à la vie scolaire; il faudrait ajouter une avoine pour le retard au portail.

A 8H21, elle concluait péniblement son affaire et elle se précipita – à son rythme bien à elle – en direction du portail. Quand elle vit par la porte vitrée que 1000 élèves se bousculaient devant la clôture et que monsieur Vandeputte sortait de son bureau accompagné de madame Bretelle, elle prit peur et sortit du couloir en courant. Là, elle trébucha à une aspérité du goudron et se prit une luge mémorable sous les rires des élèves.

 

Acte VI : 9H11.

Tony rêvassait dans la salle d’attente à ce qu’il aurait pu être. Il sentit vibrer son portable : c’était monsieur Dufour. Il ne décrocha pas. Il se revit au premier jour de son arrivée au collège Casero.

Il entrait dans le secrétariat du collège avec à la main sa lettre de motivation et un exemplaire de son CV, au cas où celui envoyé par courrier  aurait été égaré. La secrétaire, Dana, lui disait gentiment de s’asseoir. Tony répondait par un « non, ça va, merci » et s’acharnait à faire cent cinquante fois le tour de la chaise qui se donnait pourtant généreusement à lui. Chose qui amusait l’affable secrétaire probablement convaincue que sa gène n’était que de la timidité. Au bout d’un moment, le directeur de arriva.

« M. Lagardère, se présentait-il, assied-toi !

Tony Tiens donc ! Il me tutoie… bah, pourquoi pas ?…

Monsieur Lagardère - Bon, j’ai ton CV là, pourquoi veux-tu être professeur ?

Tony - Disons que j’aimerais travailler dans un lieu où je pourrais me servir de mes compétences… je suis actuellement chercheur dans un labo et j’ai parfois l’impression de ne naviguer que dans l’abstraction… Je crois que j’ai besoin de concret pour me situer.

Monsieur Lagardère - Bon, je vois que tu as commencé un doctorat ?

Tony – Tout à fait !

Monsieur Lagardère - Pourquoi en vie artificielle ?- Demandait-il pantois.

Tony - Disons que je voudrais…

Monsieur Lagardère - Et puis c’est quoi ça, la vie artificielle ?- Toujours sur le même ton.

Tony - Ben…je me préparais à faire des recherches en intelligence artificielle lorsque je me suis aperçu que l’I.A. classique…

Monsieur Lagardère - La quoi ? De quoi parles-tu là ?

Tony - L’I.A. ! Pardon, je voulais dire l’intelligence artificielle…

Monsieur Lagardère – Ouh là ! Je n’y connais rien, moi !

Tony - Excusez-moi… Ce que veux dire, c’est que nous devons reprendre les recherches en intelligence artificielle à zéro : ce n’est pas une intelligence abstraite que nous devons construire, c’est une conscience avec toute la part de subjectivité qu’elle suppose !

Monsieur Lagardère - Bon, c’est bon…j’ai compris : tu as envie de faire des choses concrètes parce que tu es perdu dans l’abstraction !

Tony – C’est ça !

Monsieur Lagardère - Et vous voulez faire quoi de vos diplômes ? – Tony percevait au vouvoiement subit du principal qu’il en imposait.

Tony - J’aimerais travailler dans la recherche… si la chance m’en était donnée…

Monsieur Lagardère – Je pense que talentueux comme vous l’êtes, ce n’est pas une question de chance, jeune homme !

Tony - Oui, bien sûr, c’était une façon de parler…

Monsieur Lagardère - On peut dire que vous en prenez des détours, vous, les jeunes ! C’était pas si compliqué de mon temps…Enfin bon, on n’était pas aussi calé, non plus !

Tony – Ah bon…

Monsieur Lagardère - Bon, vous allez passer dans le bureau de mon adjoint, monsieur Vandeputte. J’aimerais qu’il vous voie. En fait j’aimerais beaucoup vous embaucher mais c’est lui qui va vous exposer les questions de planning.

Le médecin entra dans la sale d’attente. Tony ne le vit pas.

Le médecin – Bonjour !

Tony, surpris – Hein ? Ah ! Bonjour…

Le médecin – Alors, qu’est-ce qui vous amène ?

Tony – Ben… je crois que je vais pas bien.








29/05/2012
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