SEVICE PUBLIC

8. LES PREUVES DE FORCE.





A la récréation de dix heures et demi, en pleine affluence des élèves qui ont toujours moult demandes, le petit Lucien, un élève caractériel et instable, arriva à la vie scolaire et vint de suite à Tony : «  Tu me signes mon autorisation de sortie exceptionnelle ?

Tony – Oui, donne-moi ton carnet de correspondance ! Tes parents ont rempli le billet d’autorisation ?

Lucien – Ben ouais, je suis pas idiot quand même !

Tony – Pourquoi tu prends à charge ma question…

Lucien – Ca me regarde !

Tony, dépité – Ok, donne !

Lucien, soudainement mielleux – Tu peux appeler mes parents pour leur dire de venir me chercher en voiture ?

Tony, bluffé du culot de son petit interlocuteur – Quoi ?

Lucien – Ouais, j’ai pas envie de marcher !

Tony – Ecoute Lucien, tu es assez grand pour m’envoyer bouler sans raisons, alors sois assez grand pour te débrouiller sans mon aide !

Lucien, commençant un caprice – Putain mais vas-y !

Tony, haussant le ton – Ne me parle pas comme ça, d’accord ? Je ne suis pas ton pote !

Cédric, qui ce matin là était occupé au bureau – Non mais c’est bon Ben ! Appelle !

Tony – Désolé Cédric, il n’a qu’a pas me parler comme il le fait !

Cédric – Peut être mais tu n’as pas à le prendre en otage ! Il faut savoir faire son taf comme il faut !

Tony – Tu plaisantes là ou quoi ?

Cédric – Non ! Faut être cool un peu !

Tony – Cool ? Ne t’occupe pas de mes problèmes Cédric, je te prie !

Lucien, pleurant, à deux doigts de la crise de nerf – Mais putain, vas y !

Tony – Tu remets un coup de pied dans le bureau je te colle Lucien, c’est clair ?

Cédric – Viens Lucien, je vais téléphoner !

Tony – Merde Cédric, je ne veux pas que tu appelles !

Cédric – Tu te prends pour qui Ben ?

Tony – Ah, madame Sauzéon ! Comme Lucien me parle mal je refuse de téléphoner à ses parents pour qu’ils viennent le chercher…

Madame Sauzéon, en aparté – Ecoutez Tony, je sais qu’il est un peu caractériel mais il vit une situation difficile ces derniers temps…alors si vous pouviez appeler, ce serait gentil.

Tony – Mais il habite juste à côté…

Madame Sauzéon – Je crois que ce dont il a besoin, c’est que son père s’occupe de lui…il en a la garde cette semaine. – Puis, à Lucien – Lulu, Tony va appeler ton père mais la prochaine fois que tu lui parles mal, je te punis et tu vas en permanence.

Tony, perplexe – Bon, donne-moi ton carnet que je le remplisse ! Alors, tu sors à midi trente et tu manges à la cantine !

Lucien, séchant ses larmes – Ouais ! Mais je dois sortir juste après mangé !

Tony – Ca tombe bien ! Tu vas au réfectoire au premier service, à onze heures quarante cinq, tu manges et tu sors à l’ouverture du portail de midi trente ! Ca te va ?

Lucien – Oui mais je dois sortir à quatorze heures !

Tony – Eh bien quoi ? Ca va, tu seras dehors à midi et demi !

Lucien, de nouveau en crise – Mais putain ! Je dois sortir à quatorze heures !

Tony – Arrête Lucien de mal me parler !

Lucien, jetant son sac sur le bureau – J’en ai marre ! Je dois sortir à quatorze heures et tu veux pas me laisser sortir !

Madame Sauzéon, bondissant de son bureau – Qu’est-ce qui se passe encore ?

Lucien, vociférant – Il veut pas me laisser sortir et je vais me faire engueuler par mon père !

Tony – Mais tu n’as qu’à rester en étude si tu ne veux pas attendre dehors, j’en sais rien moi !

Lucien – Putain mais je vais être en retard, moi !

Madame Sauzéon – Bon, on va te laisser sortir Lulu ! Calme-toi ! – dit-elle en lui caressant les cheveux ; seulement, le gamin, au bord de la crise d’apoplexie, envoya valdinguer la main de la CPE.

Madame Sauzéon, paniquée du comportement de Lulu – Tu te calmes ou je te mets la tête sous le robinet ! Et vous Tony, vous ne pouvez pas m’appeler quand vous voyez que ça tourne mal ? Surtout avec Lucien !

Tony – Mais je ne comprend pas pourquoi il me fait ce pataquès !

Lucien – Je vais être en retard et je vais me faire engueuler par mon père…

Tony, haussant nettement le ton – Mais quel retard ? Tu sors à midi trente !

Lucien, vociférant dans ses larmes – Mais arrête de me torturer ! En plus mes parents sont divorcés !

Tony – Arrête de gueuler, merde ! Je te dis que tu sortiras en avance et que si tu préfères rester au collège en attendant ton père tu peux rester dans la salle d’étude ! Il te faut quoi de plus !

Cédric – Comment tu parles Ben !

Madame Sauzéon, sous le regard médusé de Mario – Surveillez votre langage Tony ! Lucien, je ne comprends pas : qu’est-ce qui te poses problème ? Si tu sors à midi et demi, tu seras en avance sur ton père qui lui, viendra te chercher à quatorze heures, non ?

Lucien, hoquetant – Mais…mais…je…vais…être en…retard…à cause…de Tony…

Tony – Non mais je vais péter un câble ! On est mercredi, le collège ferme à treize heures et quart et les seuls élèves qui restent jusqu’à dix sept heures sont les élèves collés ! On est obligé de te laisser sortir à treize et quart au plus tard ! Si ton père vient te chercher à quatorze heures, comment veux-tu être en retard, bordel de merde !!!

Lucien, cessant soudain de pleurer – Ah ! J’avais pas compris ! Je croyais que tu disais que je sortirais à quatorze heures et quart !

Tony, aussi étonné qu’excédé – Et tu m’as saoulé pour ça !

Lucien, repartant de plus belle – Mais c’est bon, lâche-moi !

Madame Sauzéon – Va Lucien, c’est bon, tu sortiras à l’heure ! Vas dans la cour !

Lucien, hoquetant – Merci… madame !

Madame Sauzéon – Mais qu’est-ce qui s’est passé avec Lucien, au juste ?

Tony – Il y a qu’il s’est gourré à merveille et qu’au lieu de réfléchir il préfère la ramener !

Mario, qui avait assisté à la scène sans mot dire – Evidement !

Madame Sauzéon – Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

Mario – C’est un petit con gâté pourri qui profite de la situation de divorce de ses parents pour faire exactement ce qu’il veut ! Remarquez, il a raison ! Moi à sa place, je ferai pareil !

Madame Sauzéon – Non mais c’est bon ! Il n’a pas compris !

Tony – Quoi ?

Cédric – J’ai essayé de te le dire mais tu étais parti dans ton délire…

Tony – Arrête Cédric ! Occupe-toi de tes affaires ! Et cesse de m’appeler Ben ! J’ai un prénom, ok ?

Madame Sauzéon – Vous n’allez pas vous engueuler entre vous !...

Mario – Non mais c’est vrai Cédric, tu dailles à jouer les gentils chaque fois que l’un de nous se prend la gueule avec un gamin ! Après on n’est plus crédible ! Pour quoi on passe ?

Cédric – Non mais on ne gueule pas comme ça sur un enfant !

Mario – Tu m’excuses, mais quand un gosse te parle mal, c’est normal que tu lui rappelles qui est l’adulte !

Cédric – Non, je suis désolé ! C’est le risque du métier !

Mario – Eh ! Il n’est pas payé pour se faire pourrir par des gosses !

Cédric – S’il n’a pas la vocation, il faut qu’il fasse autre chose !

Tony – Bon, je sors un peu parce que là, j’en ai marre !

Madame Sauzéon – C’est ça ! Allez prendre l’air!

Anna, croisant Tony dans la cour – Tu vas où ?

Tony – Je vais prendre l’air ! Sauzéon m’a gonflé !

Anna – Qu’est-ce qu’elle a fait ?

Tony – Il y a qu’un élève me parle mal et quand je le reprends, elle me tombe dessus et sape mon autorité ! Moi qui pensais qu’elle serait moins chiante que Maria…

Anna, perplexe – Laisse lui un peu de temps, elle se fera sa propre idée…de toute façon, Vandeputte lui a fait son rapport dès qu’elle est revenue, hier : la vie scolaire est remplie d’incapables ! Quant à toi, tu es injuste et tu ne t’occupes pas des élèves…

Tony, s’étouffant – Quoi ?

Anna, blasée – Oh, mais ne t’inquiètes pas : la direction ne peut pas nous blairer et ils passent tout leur temps à nous baver dessus quand on a le dos tourné !



07/08/2009
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