55. De mâle en pis. Acte I.
55. De mâle en pis.
Acte I.
VENDREDI 10 AVRIL.
Tous les ans, à la même période, la tradition du collège veut qu'un cross soit organisé toute la journée.
Laurent Lanusse, à Tony qui arpente la cours – Tony… c'est quoi, là ?
Tony – Comment, « là » ?
Laurent, le doigt pointé vers le goudron – Là, maintenant, c'est quoi ?
Tony, perplexe – De quoi ? Tu parles de la récré ?
Laurent – Ah ! C'est la récré, là ? Je croyais que c'était la sonnerie des cours !
Tony, perdu – Mais… tu vois bien que tous les élèves sont dans la cour !
Laurent – Je me disais bien, aussi…
Tony – Tu permets ? Je… vais voir l'autre… là bas.
Laurent – Qui ça ?
Tony, paniqué – Euh… - Il aperçoit Yolande dans une étrange posture : alléluia !- Yolande, là !
Laurent – Je peux venir avec toi ?
Tony – Eh non, si elle a des problèmes, il faut que ça reste entre elle et moi, tu comprends ?
Laurent – Ouais, ouais ! On se verra tout à l'heure, quand tu auras fini avec elle !
Tony, dans sa barbe, à propos de Laurent – Tu peux y aller : quand y'en a un, c'est pour moi ! – Il observe Yolande un moment – Y'a un problème, Yolande ?
Yolande, prostrée – J'ai pas envie de courir cet aprèm !
Tony – Pourquoi ça ?
Yolande – Ben c'est complètement con de courir trois kilomètres ! J'ai pas que ça à faire non plus !
Tony – C'est sympa, un cross !
Yolande – T'as qu'à le faire toi !
Tony- Je l'aurais bien fait avec vous mais je suis obligé de surveiller la cour tout l'après-midi !
Yolande – La chance ! – A ce moment, Noémie arrive sans mot dire – Je peux pas appeler ma mère pour qu'elle vienne me chercher ?
Tony – Tu sais bien que vous n'avez pas le droit d'appeler…
Yolande – Mais tu peux me laisser téléphoner avec le téléphone de la vie scolaire !
Tony – Yolande : on vous laisse appeler quand vous n'avez pas cour mais là… je n'ai pas le droit de te faire partir !
Yolande – Putain mais c'est complètement con ce règlement !
Tony – Yolande… calme-toi, j'y suis pour rien, moi…
Yolande – Peut être mais ça me casse les couilles !
Tony, agacé – Mais qu'est-ce que vous avez tous à parler comme ça !
Yolande – Putain mais c'est bon, là ! J'me casse ! J'en ai trop marre de ce collège !
Noémie – Tony…
Tony, las – Pff… quoi ?!
Noémie – Tu sais, une fois : tu m'as dit que tu préférais que je vienne te parler quand j'avais des problèmes au lieu de sécher les cours ?
Tony, la main sur les yeux – Oui… j'ai dit un truc comme ça… - Un instant – Et ?
Noémie – J'ai des problèmes ! Mais je sais pas si je peux t'en parler…
Tony – Oh ben c'est comme tu veux ! Si tu préfères aller voir quelqu'un avec qui tu es plus à l'aise…
Noémie – Tu crois qu'il vaut mieux ?
Tony – De quoi ?
Noémie – Que je parle à celui avec qui je suis le plus à l'aise ?
Tony – Ah oui ! Question de feeling, de confiance…
Noémie, l'air songeur – Mouais… tu as raison ! – Tony se croit dispensé de corvées – C'est avec toi que je suis le plus à l'aise ! – Retombée de l'espoir.
Tony – Pff… Qu'est-ce qui t'arrive ?
Noémie – Tu sais, mon ex…
Tony – Lequel ?
Noémie – Celui avec qui j'ai fait… hum hum !
Tony, paniqué – Ah oui ! Bon, et alors ?
Noémie – Eh ben tu vois, il me rackettait avant ?
Tony – Oui ?
Noémie – Et ben, il continue !
Tony, las (encore) – Pff… et tu fais rien contre ça ?
Noémie – Je peux pas ! Il me rackette et comme il m'a menacé de me tuer si je lui donnais pas de l'argent, je suis obligée de voler de l'argent à mes parents, tu vois ?
Tony – Non, pas bien…
Noémie – Et mon père, hier soir, il s'en est aperçu, que je volais du fric et quand il me l'a dit, il a faillit m'envoyer à l'hôpital !
Tony – A l'hôpital ?! Pour quoi faire ? Pour te désintoxiquer ?
Noémie – Non ! Il m'a tabassé ! J'ai failli aller… - Un instant – On peut aller à l'hôpital pour être désintox…disentoxiqué… chais pas quoi, là ?
Tony – Attends ! Bastien me fait signe d'aller à la vie scolaire ! Je reviens… - Tony s'en va avec d'autres projets que de finir cette conversation. En route, il s'étonne d'avoir fait comme si ces histoires de désintoxication et tout le reste étaient vraies.
Bastien – Excuse-moi de te déranger mais tu peux garder la vie scolaire le temps que j'aille chercher Thomas Perrier ?
Tony – Pourquoi ?
Bastien – Il a mis une béquille à Yolande sans raison, apparemment.
Yolande, tordue sur sa chaise – Il m'a niqué la jambe ce con ! J'peux plus courir maintenant !
Bastien – Oh ! – Il regarde Yolande – Mais tu peux pas parler sans dire de gros mots ?
Tony à voix basse – C'est bizarre ! Elle vient de me faire la comédie parce qu'elle ne voulait pas faire le cross cet après-midi et là, elle se fait taper dans la jambe ?
Bastien – En effet, c'est bizarre… mais elle a une marque à la cuisse…
Tony – Ah ben le voilà ! Thomas ! Viens me voir je te prie ! – Thomas arrive.
Bastien – Qu'est-ce qui s'est passé avec Yolande ?
Thomas – Rien, pourquoi ?
Bastien – Rien ? Tu l'as pas frappée ?
Thomas – Je l'ai pas tapée fort…
Bastien – Mais fort ou pas fort, tu n'as pas à la frapper !
Yolande – Putain, je peux plus courir cet aprèm…
Thomas – Non mais si je l'ai tapée c'est pour un pari !
Bastien – Comment ça, pour un pari ?
Thomas – Ben oui ! Elle m'a dit « chiche que t'es pas cap de me mettre une béquille » et quand je lui ai dit que je voulais pas lui faire mal, elle m'a dit qu'il y avait que les p'tits pédés qui avaient pas les couilles de faire des paris !
Tony – Euh… j'aimerais bien que tu emploies un autre vocabulaire Thomas !
Thomas – Mais c'est pas moi qui l'ai dit, c'est Yolande !
Yolande – Eh mais qu'est-ce que tu dis, toi ?
Bastien, à Yolande – Vous avez fait un pari ?
Yolande – Mais non ! Je vais pas faire exprès de me faire taper ! J'suis pas con quand même !
Bastien – Tu me parles sur un autre ton s'il-te-plaît ?
Yolande – Mais non mais ça me gave que tu le crois à lui alors que c'est moi qui m'est fait taper !
Bastien – Je ne le crois pas, je te demande !
Thomas – Vous pouvez demander à mes amis si vous me croyez pas ! Ils étaient avec moi quand elle est venue faire le pari avec moi !
Bastien, à Yolande – Alors ?
Yolande – C'est bon, je m'amusais ! Je croyais qu'il allait faire doucement !
Bastien – Tu lui demande de te mettre une béquille et tu penses qu'il va faire doucement ?
Yolande, insolente – Ben ouais ! J'peux pas deviner, moi !
Tony, discrètement – Elle lui a demandé de la frapper pour éviter de faire le cross !
Bastien – Je vois que ça…
Yolande – Eh ! Qu'est-ce que vous vous dites, là ?
Bastien – Tu permets que je parle avec mon collègue ?
Yolande – Non ! Je permets pas !